Les voyages imaginaires anglais

Publié le 26/07/2023

Jean-Baptiste Tenant de Latour (1779-1862) fut nommé en 1846, bibliothécaire du roi Louis-Philippe Ier, au palais de Compiègne. La somme de ses connaissances a été réunie dans ses Mémoires d’un bibliophile, parues en 1861. Cet ouvrage se présente sous forme de lettres à une femme bibliophile (la comtesse de Ranc… [Le Masson de Rancé]), et se compose de nombreuses réflexions sur la bibliophilie, les écrivains et le monde des lettres. Nous poursuivons cet été la publication de la Lettre XII consacrée aux « Traductions ».

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« J’ai en livres anglais plus ou moins heureusement traduits : le Paradis perdu, par Dupré de Saint-Maur, avec les remarques d’Addisson. La traduction en vers de l’abbé Delille, œuvre dont j’ai déjà dit ma pensée ; tous les ouvrages d’Young, traduction de Letour­neur, qui jouit d’une faveur très ancienne et très­ méritée ; les poèmes d’Ossian, traduits aussi par Letourneur, ceux qui l’ont aussi été par David Saint-Georges ; l’ancienne traduction des Saisons de Thompson (1760) ; une nouvelle par M. Deleuze (1817), papier vélin, jolie gravure, beau volume non rogné ; les Poésies de Gray, traduites par Lemierre (le neveu du tragique), une traduction en vers par M. Oyant ; L’Essai sur l’homme, de Pope, traduit par le contrô­leur des finances Silhouette, avec un ex-dono de sa main ; la traduction en vers de l’abbé du Resnel ; j’ai déjà dit ailleurs que j’avais les deux éditions de celle de M. de Fontanes qui offrent entre elles des points très curieux de rapprochement ; les Œuvres complètes de Lord Byron, traduites par M. Benjamin de Laroche ; L’Essai philosophique sur l’entendement humain de Locke, traduction de Coste ; son Traité du gouver­nement civil, deux beaux in-4 ; le Voyage sentimental de Sterne, traduction de Paulin Crassous, un peu plus exacte que celle de Frénais, trois jolis volumes de Didot.

J’ai un très grand nombre de ces fictions, de ces romans, de ces voyages imaginaires, qui, dans la litté­rature anglaise, reposent en général sur un fond plus ou moins philosophique, et offrent à la fois une haute morale et un grand intérêt. Et au-dessus de tout, le Robinson Crusoé de Daniel de Foë, traduit par Van Effen, un de ces livres avec la première lecture desquels on s’identifie tellement que, lorsqu’on vient à le lire plus tard, à en lire une meilleure tra­duction ou bien l’original lui-même, l’on se sent quelque peu dérangé dans ses vieilles impressions. J’ai la première édition (1720-1721) fort recherchée des amateurs ;

Les Voyages de Gulliver, de Jonathan Swift ; le Conte du tonneau, satire du même, on sait contre quoi ; Clarisse Marlowe, de Richardson ; Tom Jones, de son compétiteur Fielding et quelques autres du même temps ; Les Mystères d’Udolphe d’Anne Radcliffe, traduits avec une sympathie particulière par feue Madame de Chastenay, cette si gracieuse, si spirituelle, si aimable Victorine de Chastenay. Enfin, pour conclure, la nécessaire, l’inépuisable jouissance de toute notre génération, les Œuvres de Walter Scott et de Cooper, naturalisées, en quelque façon, dans notre langue par M. Defauconpret. (À suivre)

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