L’homme moderne
Mark Horn / Photonica / Getty Images (detail)
Catherine Cusset nous invite à nous plonger avec joie et curiosité dans la vie et l’œuvre d’un des plus grands artistes contemporains de ce siècle, David Hockney.
Vie de David Hockney, est un roman et non une biographie… Pourtant il est basé sur tellement de documents, d’interviews, d’écrits de l’artiste ou de ses proches que l’on s’approche, au plus près de l’artiste, de ses sentiments, de sa vie privée, de son imaginaire et surtout de sa passion, celle qui le maintient en vie depuis plus de 80 ans et qui le rend si moderne : la peinture.
Page après page, cette biographie romancée nous fait découvrir l’artiste, ses angoisses et ses obsessions, sa passion pour le figuratif à une époque où ce mot est honni de la sphère artistique. Pourtant, lui, il y croit et alors qu’il n’est encore qu’un jeune élève du Royal College of Art de Londres, il peint ses premiers tableaux.
Le succès est quasi immédiat.
C’est d’ailleurs ce qui est assez étonnant dans ce roman, on découvre avec quelle facilité finalement David Hockney va faire l’unanimité, de par son talent de dessinateur d’abord, par la force de son propos, par sa personnalité hors du commun et par son physique « époustouflant »…
Rien ne fut vraiment compliqué pour lui — on est loin de l’image de l’artiste incompris, maudit —, même si certaines de ses créations ont été boudées ou ont laissé dubitatifves, il remporte très rapidement un vif succès et peut vivre de son art, enfin de ses arts, car on découvre comment cet homme né au début du XXe siècle est profondément moderne. Comment il s’approprie les histoires classiques et la peinture des grands maîtres (Le Lorrain ou Pierro della Francesca entre autres) pour mieux les transcender et jouer avec les mythes…
David Hockney est doué d’un tel talent que dès l’école, les enseignants sont admiratifs de ses dessins ; il emporte très vite l’adhésion de ses condisciples, professeurs, marchands, galeristes, son succès va très vite en faire un artiste international. Cela va lui permettre de voyager et d’imposer un style.
Car effectivement, il a un style reconnaissable entre tous ! Il en est ainsi de sa période américaine, où basé à Los Angeles, il peint ses fameuses piscines. De même, sa représentation du Grand Canyon, est d’une telle force et d’une telle beauté qu’elle nous subjugue peut-être plus que le Canyon lui-même…
Mais c’est aussi un artiste qui se pose des questions sur l’art, la perspective, sur la façon de faire. D’où sa théorie sur l’utilisation de miroirs et des lentilles, la camera obscura.
C’est pourquoi, il n’hésite pas à s’emparer de tous les instruments, toutes les technologies pour créer et faire vivre son art, que cela soit la photographie, le fax ou même l’IPad. David Hockney est un homme moderne qui vit avec son temps, dans son temps…
Catherine Cusset, totalement habitée par le personnage dans ce roman enlevé, n’hésite pas à nous le montrer aussi sous ses mauvais jours. Car c’est un homme avec ses défauts, ses petites manies, ses ambitions, ses inimitiés et ses addictions ; qui ne manque pas d’humour et qui n’hésite pas à défendre les droits des homosexuels dans un pays où l’ouverture d’esprit n’était pas encore celle qu’elle est aujourd’hui.
C’est un homme drôle et triste, entourés d’amis mais qui en a également perdu beaucoup à cause du sida, et autres morts violentes. C’est un artiste complet, qui a su offrir au monde une vision personnelle et unique, et à l’heure où la rétrospective retraçant ses soixante ans de carrière se referme à New York, on ne peut que constater que cet homme est un insatiable artiste, un artiste de son temps, un artiste moderne.