L’humeur de Boilly

Publié le 21/03/2022

De Louis-Léopold Boilly, ce Portrait d’homme à la veste noire a été adjugé 5 460 €.

Hôtel Dassault

Voulez-vous connaître l’atmosphère de Paris, à la toute fin du XVIIIe et au tout début du XIXe siècle ? Consultez Louis-Léopold Boilly (1761-1846). S’il fallait définir ce peintre, nous conviendrions qu’il était un chroniqueur de la vie familiale et de ses sorties en ville. Avec lui, pas de grandes œuvres historiques, ni de scènes champêtres. Boilly croquait la ville à travers ses habitants. Les dictionnaires de peinture soulignent que « l’actualité et l’atmosphère contemporaines alimentent [ses] thèmes ». Boilly n’était pourtant pas Parisien, il le devint à partir de 1785, après avoir quitté sa ville natale de La Bassée dans le Nord, pour venir s’installer à Paris. Il ne pouvait pas deviner qu’il vivrait tous les fracas provoqués par la Révolution. Il aura ainsi participé à tous les courants esthétiques d’un temps particulièrement bouleversé. Né sous Louis XV, il mourra âgé de 84 ans sous Louis-Philippe, après être passé du style Louis XVI au romantisme, sans jamais perdre la sûreté de sa main.

On qualifie Boilly de miniaturiste. Il était tout autant peintre des atmosphères, les notant avec une précision du trait que l’on retrouve dans ses portraits. Justement, un Portrait d’homme à la veste noire a été adjugé 5 460 €, à l’Hôtel Dassault, le 22 février dernier par Artcurial. Ce tableau est annoté : « Trappenam (?) Bruder der / Mutter von Maria (…) » et porte une ancienne étiquette annotée : « Frau Gisler Hersch / Stetin (?) » sur le châssis au verso. Ici, le modèle ne se montre guère ouvert. Il apparaît empesé et engoncé dans le col de sa large cravate. Cette composition n’est pas éloignée de celle du portrait de Portrait d’Arnaud Laporte, vendu 4 200 € à Drouot, le 26 novembre 2021 par la maison Doutrebente. L’homme, en chemise, gilet et cravate blanche, dans une redingote verte arborant le ruban de la Légion d’honneur, est tout autant figé. Ces deux portraits offrent un contraste avec le fameux Jean qui rit, exécuté vers 1808-1810, conservé dans une collection particulière.

« Jean » apparaît comme une figure d’appel à l’exposition « Chroniques parisiennes», présentée au musée Cognacq-Jay. Grâce à plus de 120 œuvres, le spectateur pénètre dans le tourbillon de ce peintre qui notait tout ce qui l’entourait, depuis l’attitude d’une fleuriste, en passant par l’arrivée de la diligence, une scène de carnaval, l’entrée au théâtre de l’Ambigu-Comique, une distribution de vin, etc. Les Parisiens sont à la fête et la ville les suit. Les petits formats utilisés par l’artiste permettent une plus grande intimité avec lui.

Nous sommes loin de ses premières œuvres, des commandes « galantes » et « moralisatrices », et encore des scènes républicaines, comme Le triomphe de Marat (1794) et l’Arrestation de Charlotte Corday (musée Lambinet à Versailles). Aujourd’hui se sont son brio, son humour et son inventivité qui nous retiennent.

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