L’institution du Grand Véfour

Publié le 31/05/2022

Sandre et jus aux herbes

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Certes, Guy Martin a abandonné le tablier plusieurs fois étoilé de son tout premier établissement, Le Grand Véfour ; mais il ouvre les ors, les boiseries, les fresques pompéiennes de sa maison à tous.

Retrouver l’histoire, le décor du lieu est à lui seul un enchantement et vaut le déplacement. Vous serez peut-être assis à la même place que Bonaparte, Hugo, Colette, Cocteau, Guitry, Aragon, Sartre, Malraux… Entrer au Grand Véfour, c’est revivre quelque peu l’histoire de France : dès l’ouverture en 1784 du chic « Café de Chartres » par un obscur limonadier, le lieu devient le ferment des idées révolutionnaires de 1789, avant de devenir un luxueux restaurant pendant cette Révolution. C’est l’arrivée de Jean Véfour qui donna son nom au restaurant sous la Restauration, et Grimod de la Reynière, le fondateur de la gastronomie moderne, vante sa fricassée de poulet marengo et sa mayonnaise de volaille. Proche de la Comédie Française qui joue Hernani, le restaurant accueille Victor Hugo et ses amis pour des soupers de poitrine de mouton et d’haricots blancs. Plus tard, la Belle Otero y charmera ses amants ; puis il faut attendre 1948 pour que le restaurant redevienne couru par toute une intelligentsia d’artistes, d’écrivains, de politiques ravis d’être restaurés par Raymond Oliver. Depuis le début des années 1990, Guy Martin régale le Tout Paris, oscillant selon les années entre les « 1, 2 étoiles » du Michelin. Depuis quelques mois, le lieu est une brasserie chic qui propose aux beaux jours une terrasse ouverte sur les magnifiques jardins du Palais-Royal. Le lieu est classé Monument historique et l’ensemble est toujours aussi majestueux.

Dans l’assiette, quels changements ? Une carte plus bistrotière, moins sophistiquée dans ses recherches de saveurs ; mais la qualité, la créativité demeurent. À défaut de sélectionner le menu du jour à 2 ou 3 plats (49 et 58 €), la carte vous entraîne vers une addition tournant autour des 80 €. Mais ces menus sont une belle opportunité : selon les jours, vous aurez par exemple une tarte au maquereau tomates olive coriandre, filet de canette purée de navets et radis poivre de Sichuan, baba au pamplemousse crème fouettée vanille ou terrine de volaille citron pignons de pin houmous, sandre pomme de terre aux agrumes et jus aux herbes, et cube noix noisettes crémeux au chocolat noir.

Pour les amateurs de légumes, une aubergine confite, rôtie longuement et son caviar avec des quartiers de pamplemousse pour aciduler le gras de la chair du légume (22 €) ; de beaux artichauts à la barigoule avec de goûteuses tomates groseille et des perles d’olive croquantes sous la bouche et dévoilant un bon jus d’olive (28 €). Autre belle entrée que celle du thon assaisonné au gingembre et enroulé de wakamé et d’avocat, celui-ci apportant douceur et onctuosité au poisson qui peut parfois être sec (36 €). Une table voisine semblait se régaler d’un gros tronçon de lotte sur un lit d’épinards, le tout agrémenté d’une vinaigrette aux olives. Plus simples, les joues de porc dans leur jus de baies étaient fondantes à souhait (29 €).

Pour terminer le repas, le dessert au jasmin était d’une douceur florale que beaucoup plébisciteraient sûrement : une sphère mousseuse de citron parfumée au jasmin sur un sablé au pavot praliné (18 €). On peut également craquer pour l’éclair vanille qui, dans son apparente simplicité, était un grand moment : la crème pâtissière qui le garnissait était mélangée à un caramel de vanille très parfumé par les gousses (18 €).

Sans même évoquer les vins, vous pouvez donc aller les yeux fermés au Grand Véfour. Vous ne serez pas déçu, car la qualité, le goût sont toujours au rendez-vous.

• Le Grand Véfour, 17 rue de Beaujolais, 75001 Paris

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