Lison, la dame de la paille

Publié le 23/02/2024

APR – Ateliers Lison de Caunes – Table – That’s All Folks – Collaboration India Mahdavi

Thierry Depagne courtesy of India Mahdavi

Le « Serviteur muet » l’est totalement. Posé dans un coin du salon, à proximité des sièges, il est chargé de verres et de bouteilles. Ce serviteur-là n’est pas un humain, il est fait de bois recouvert de marqueterie de paille. Réalisé vers 1928 par le décorateur André Groult (1884-1966), ce meuble (68 x 43 x 28 cm) a été adjugé 1 600 € à Drouot, le 24 octobre 2023, par la Maison R&C, Commissaires-Priseurs Associés. La marqueterie de paille qui a connu une grande vogue au XVIIIe siècle a ressurgi dans les années 1920 grâce à des décorateurs comme André Groult. Vers 1930, celui-ci avait réalisé son portrait, celui de sa femme Nicole et de leur chien Hop, en marqueterie de paille. Une manière de signifier que sa famille revêtait une grande importance pour lui. Les deux filles du couple, Benoîte et Flora se sont distinguées dans le monde des lettres. La fille de Benoîte, elle, Lison de Caunes, s’est tournée vers la paille. Auparavant, elle avait restauré les pièces conçues par son grand-père, notamment celles recouvertes de galuchat, quitte à s’en inspirer. Comme ces Tables gigognes en « U » inversé à structure bois entièrement gainée de parchemin d’après un modèle de Jean-Michel Frank. Celles-ci ont été vendues 3 175 € à Drouot, le 10 juin 2020, par la maison Auction Art Rémy Le Fur & Associés.

C’est alors qu’elle a, résolument, saisit la paille.  « J’aime l’odeur à peine perceptible de la paille, celle plus sucrée de la colle, le frottement du plioir, le son vif du scalpel », écrit-elle dans son dernier ouvrage La Paille en héritage. Fille d’un décorateur-ébéniste – son père – nièce d’un couturier et parfumeur – Paul Poiret –, sans oublier, un père journaliste – Georges de Caunes – et un beau-père écrivain – Paul Guimard –, l’enfant qu’elle était ne pouvait qu’être soumise à une créativité débridée. On pourrait aujourd’hui la surnommer « La dame de la Paille ». Une double-page de cet essai de mémoires reproduit deux paravents, le premier dit « Tigre » est daté de 1928 et signé André Groult, le second dit « Bambou » a été créé en 2005 par Lison de Caunes. Ces deux meubles réalisés en marqueterie de paille présentent une étonnante familiarité. Aujourd’hui, son atelier est le seul en France à travailler exclusivement les tiges jaunes. Le seigle, très exactement, dont elle se fournit chez un céréalier en Bourgogne.

Ses œuvres sont rares à passer dans les ventes publiques, sinon des boîtes rondes ornées, vendues en moyenne 500/600 €. Une « paire de tables d’appoint » (pièce unique en marqueterie de paille et contreplaqué), modèle créé en 2017, a été présentée avec une estimation de 12 000/18 000 € par Piasa, le 14 décembre 2022. Plus récemment, la même maison de vente a proposé un coffre d’après une création de Billy Poitevin & Claire Jeancourt-Galignani. Cette pièce unique, datée de 2022 (H 45 × L 157 × P 45 cm), est estimée 18 000/25 000 €. Lison de Caunes confie ainsi : « La paille a été ma bonne étoile ».

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