L’ombrelle des élégantes

Publié le 01/03/2024

Cette ombrelle, datée vers 1900, en soie à ornements en dentelle de Valenciennes, dont le manche est terminé par un pommeau en argent sculpté d’une femme s’éveillant d’un lys, a été adjugée 800 €

Coutau-Bégarie

« Plusieurs générations avaient laissé des cannes dans le porte-cannes : la canne-fusil du grand-oncle Ousilanne… la canne à épée du grand-père Lapeignine et celles dont les bouts ferrés rappelaient des villégiatures à Bagnères-de-Bigorre » raconte François Mauriac dans son premier roman Le Baiser au lépreux, paru en 1922. Sans entrer dans le détail de ce récit, la simple description du porte-cannes rappelle que la canne était indispensable à l’homme mondain comme à celui de la campagne. Le premier appuyait l’apparat tandis que le second engageait le pratique, ce qui nous fait songer qu’il existait aussi des cannes de travail. Les cannes à système sont innombrables et font le plaisir des collectionneurs de ces « joncs », autrement dit les cannaphiles.

C’est oublier que les dames, davantage les mondaines qui se rendaient à la campagne, jouaient volontiers de l’ombrelle. La beauté de ces « petits parasols de dame portatifs » pourrait être résumée par cette phrase de Jean Giraudoux, extraite de son roman, Aventures de Jérôme Bardini, paru en 1930 : « Cette femme était vêtue de linon rose à revers jonquille, avec bas de soie champagne brut, ombrelle bleue et blanche ». Nous pensons avoir retrouvé cette ombrelle dans le catalogue de la vente d’umbrellaphilie, organisée le 5 décembre 2023 à Drouot par la maison Coutau-Bégarie, assistée par Georgina Letourmy-Bordier, lors de la dispersion de la collection Michel Heurtault, maître d’art parasolier. Celle ombrelle, datée vers 1900, est composée d’une couverture en soie bleue à ornements en dentelle blanche de Valenciennes, et à petits ruchés découpés, en alternance sur cinq registres. Son manche en bois est terminé par un pommeau en argent sculpté d’une femme s’éveillant d’un lys. Elle a été adjugée 800 €.

Ces élégantes ne négligeaient pas pour autant les « ombrelles à système » ou à curiosité. Comment vérifier si l’on est retard à un rendez-vous galant ? En consultant une montre enchâssée dans le pommeau de son ombrelle. Celle-ci, longue de 97 cm et venant de Londres, adjugée 1 900 €, est composée d’un manche en bois précieux terminé par un pommeau en or, forme dite « milord » dans le style Louis XVI, à décor de figures antiques dont deux soldats et une nymphe. Un petit bouton permet de découvrir la montre datant du milieu du XVIIIe siècle. Plus rustique est l’ombrelle d’excursion, mais elle conserve néanmoins sa grâce. Sortie des usines Peugeot, vers 1875-1880, sa couverture en toile de coton beige, est peinte en vert à l’intérieur, afin de filtrer la lumière. Sa canne est en bois très dur, tourné façon bambou. Le tape-à-terre est doté d’une forte férule en acier, travaillé en piolet pour l’excursion. D’une longueur totale 109 cm, elle a trouvé preneur à 600 €. Les dames, pour se protéger du soleil, disposaient d’ombrelles de voiture automobile. Deux d’entre elles figuraient au catalogue. Elles se distinguent par un manche très court, qui peut être basculé pour former écran et repliable à volonté. N’écartons pas encore le parasol de l’impressionniste, vers 1880 ou parasol de peintre, dont la couverture est en coton, et l’intérieur est peint en vert afin de filtrer la lumière.

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