L’orchestre du jeune Mendelssohn
naïve
Avant de composer ses cinq symphonies pour grand orchestre, comme L’Écossaise ou L’Italienne, Mendelssohn en a écrit 12 pour les seules cordes entre 1821 et 1823, soit de 12 à 14 ans ! Elles montrent « un plaisir totalement spontané, qui traduit un génie à l’état pur », souligne Fabio Biondi. Il en propose deux, présentant des caractéristiques communes : une construction en trois mouvements, un esprit post baroque avec un souci du contrepoint hérité de Bach et surtout une belle écriture polyphonique. Ainsi de la Sinfonia pour cordes N° 2 en Ré majeur, de 1821, dont les mouvements extrêmes, dans l’esprit du XVIIIe siècle, sont agrémentés d’une volonté de modernité et d’un usage de la fugue à l’Allegro vivace final. L’Andante médian dégage une certaine mélancolie, tourné qu’il est vers le classicisme. Il en va de même de la Sinfonia pour cordes N° 5 en Si bémol majeur (1822) qui fait se succéder un Allegro vivace entraînant dans le maniement de l’ensemble de cordes, conférant à l’œuvre un caractère proche du concerto grosso, puis un court Andante bien allant dont la rythmique s’élargit peu à peu, enfin un Presto, tout en contraste, fier et très articulé. Là encore, Mendelssohn sait varier les diverses séquences, dont certaines sont traversées d’un léger dramatisme.
Le Concerto pour violon et cordes en Ré mineur, contemporain des œuvres précédentes, est conçu sur les mêmes bases puisque l’accompagnement est confié aux seules cordes, ce qui le distingue du fameux Concerto de violon op. 64, plus tardif. La richesse orchestrale n’en est pas moins patente et la partie de violon loin d’être négligeable. Biondi parle d’une « œuvre extrêmement polyphonique », dotée d’une partie concertante dont « la virtuosité n’est pas spectaculaire ». L’Allegro voit une introduction engagée dont le soliste se détache naturellement. L’Andante étale un lyrisme soutenu, là où encore l’entrée du violon semble émaner de l’orchestre. Celui-ci chante à l’égal des cordes qui l’entourent. Le récit se relance constamment dans une belle sérénité. Le finale Allegro prend la forme d’une danse bondissante soutenant un soliste virevoltant en diable, comme dans la cadence un peu énigmatique. Biondi propose encore le Salve Regina pour soprano et cordes de 1824. une pièce intéressante, de style plus séculier que religieux, où la voix concerte avec des solistes, violon, violoncelle et pianoforte, dans une écriture vocale simple mais efficace ; ce que traduit à merveille la soprano Monica Piccinini.
Quelques pièces isolées complètent le programme. Le Largo & Allegro pour piano et cordes en Ré mineur (1820) est un fragment d’un concerto sans doute inachevé : dans l’entame lente, la partie soliste comme l’accompagnement montrent quelque dramatisme, puis cela bascule dans une section fluide, avant un retour au tempo largo et une conclusion abrupte. On entend encore plusieurs fugues, dont une Fugue pour quatuor à cordes en Mi bémol majeur, morceau plus tardif puisque de 1827, et deux Fugues a tre, pour cordes, violon, viola et alto cello, hommage au Cantor.
Fabio Biondi et les dix musiciens de son ensemble Europa Galante offrent de toutes ces œuvres des exécutions sensibles, rendant justice aux talents précoces d’un compositeur féru de contrepoint et de respect de la polyphonie. Et ce avec goût, retenue et bien sûr perfection instrumentale, célébrant cette qualité essentielle de « musique pure » marquant la production du jeune Mendelssohn. Qui « fait entendre à la fois l’enseignement reçu de Bach et de l’école baroque, et l’esprit flamboyant de la jeunesse romantique » (ibid.). Ils sont enregistrés dans un palais italien et une ambiance légèrement résonnante ajoutant à la séduction du jeu des cordes.
Felix Mendelssohn : Sinfonias pour cordes N° 2 & N° 5. Concerto pour violon et cordes en Ré mineur. Salve Regina pour soprano et cordes. Largo & Allegro pour piano et cordes. Fugue pour quatuor à cordes. Deux Fugues a tre
Monica Piccinini, soprano
Europa Galante, violon et dir. Fabio Biondi
1CD Naïve
Référence : AJU008u4