Louis Faurer, New York ou la mélancolie

Publié le 24/11/2016

Louis Faurer (1916-2001) naquit à Philadelphie. En 1947, il s’installa à New York, aspiré par la vie de Times Square, où il traqua les solitudes dans la foule urbaine. Le journalisme et le reportage ne l’intéressaient pas, il se pencha plutôt vers la fragilité des gens. Il accomplira aussi un travail de commande pour des magazines comme Flair, Harper’s Bazaar, Glamour ou Mademoiselle, qui activa chez le photographe un mépris non feint, un déchirement paradoxal, que seul l’humour pouvait rompre. Ces reportages lui permirent à la fois de vivre et de poursuivre une œuvre personnelle dans les rues de New York.

Louis Faurer, New York, 1949.

Louis Faurer Estate, Courtesy Howard Greenberg Gallery

Dans cette ville, ses sujets sont très variés : c’est un couple de riches devant le Waldorf Astoria, des New-Yorkais lambda ou des événements au quotidien. Mais c’est principalement la fragilité humaine que nous voyons sur ses photos. Louis Faurer photographiait d’instinct, il restait cependant très attentif à la composition. Par exemple : un homme regarde vers le haut du Rockefeller Center, une façade abstraite, mais ce qui interpelle est le chapeau blanc incliné vers l’arrière.

Louis Faurer avait une profonde honnêteté, rejetant les scènes trop violentes, l’outrance et l’obscénité. Il se projetait dans les personnes qu’il photographiait, reconnaissant bien souvent ce qu’il était lui-même. Ce fut le sens de sa démarche. Il semble qu’il croisait ainsi son double, qui apparaît souvent en réflexion dans le cadre. Chacune de ses photographies est « un défi au silence et à l’indifférence ».

Il se rendait souvent à Mark Street, où il osa des cadrages audacieux, coupant les visages et les corps, isolant un élément comme la caisse d’un mendiant qui proclamait : « Je suis complètement aveugle ». Du personnage on ne voit que les jambes, un bout de bras et une main posée sur une canne blanche tandis que les passants, indifférents, sont coupés à la moitié du corps.

Louis Faurer était concerné par ce qu’il voyait. Il sélectionnait les personnes anonymes qu’il croisait dans la banalité des rues, saisis dans leur mélancolie, saisis dans le film noir qui se déroulait sous ses yeux. Louis Faurer faisait ses tirages lui-même. Il pouvait ainsi jouer avec des reflets, expérimenter le flou, les superpositions de négatifs voire l’importance du grain dû à la limite de l’éclairage nocturne qu’il affectionnait. Il y a une poésie, une poésie de la mélancolie, une poésie de la ville, la sienne : New York. Il prit parfois ses photos de derrière une vitrine, une chaussure ou un mannequin flottant au-dessus de la silhouette d’un passant.

Un bon nombre de photographes tentèrent de l’aider comme William Eggleston, qui avait su voir en lui une profondeur unique. Louis Faurer fut remarqué par Edward Steichen, alors conservateur au MoMa, qui le qualifia de « lyrique de l’appareil photo ». Louis Faurer participa à diverses expositions collectives comme « In and Out of Focus », en 1948, ou « The Family of Man », en 1955. Le regard qu’il eut sur les individus annonçait celui de Diane Arbus ou Garry Winogrand. Il est pourtant moins connu du public que les autres membres du courant de la street photography américaine.

 

LPA 24 Nov. 2016, n° 122e7, p.16

Référence : LPA 24 Nov. 2016, n° 122e7, p.16

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