L’outre-vie de Soulages

Publié le 28/11/2022

Cette huile sur toile (102 x 81 cm), exécutée en 1981 par Soulages, a été adjugée 1 228 500 €

Aguttes

On rapporte que, lorsque l’on apprit la mort de Nicolas Poussin (19 novembre 1665), Louis XIV aurait dit : « Il est temps d’acheter ses tableaux, ils vont monter » ! Autrement dit : « Spéculez »… Nous pensions, compte tenu de la longévité de Pierre Soulages (1919-2022), que ses œuvres n’étaient pas concernées, d’autant plus que le battage fait autour de son centenaire avait déjà provoqué des hausses importantes des adjudications le concernant. Un tableau intitulé :« Peinture 195 x 130 cm, 4 août 1961 », a été adjugé 20,2 millions d’euros, par Sotheby’s, en novembre 2021. Et, quelques jours après son décès, la maison Aguttes a vendu 1 228 500 € l’une de ses huiles sur toile (102 x 81 cm), exécutée en 1981. Cinq enchérisseurs se sont affrontés longuement au téléphone. C’est finalement un collectionneur français qui l’a emportée. « Ce petit format reprend le schéma chromatique emprunté par l’artiste depuis 1979 : les tons bruns, beiges et noir, composent une harmonie inhérente à son style. Produite en 1981, cette toile adopte les tracés horizontaux et verticaux correspondant à la recherche picturale du peintre du noir et de la lumière, et s’inscrit ainsi dans la continuité d’une recherche artistique perpétuelle, qui trouve sa source dans sa relation avec la lumière, et qui aboutira, ensuite à l’usage unique de l’Outrenoir sur la toile », explique Ophélie Guillerot, directrice Art Contemporain Aguttes, en charge de la vente.

Le phénomène Soulages est intéressant, car sans son idée d’utiliser du brou de noix, il n’aurait peut-être jamais inventé l’outrenoir. Sa première toile, sur laquelle il appliqua en épaisseur ce produit utilisé traditionnellement par le menuisier et l’ébéniste pour teindre le bois à l’aide d’une brosse de peintre en bâtiment, fut remarquée par Francis Picabia au Salon des surindépendants de 1947, et qui amena cette réflexion : « avec l’âge que vous avez et avec ce que vous faites, vous n’allez pas tarder à avoir des ennemis ». En novembre de l’année suivante, il participa à la Französische abstrakte malerei qui voyagea dans plusieurs musées allemands. Pour l’occasion, un de ses brous de noix, traité en négatif, a servi d’affiche à cette exposition organisée en novembre par le collectionneur Ottomar Domnick (1907-1989). Cette exposition tournante fut véritablement fondatrice pour le jeune artiste. Elle explique la place qu’il occupe en Allemagne ; c’est encore ce pays qui lui offrit aussi sa première rétrospective en 1960, à Hanovre. À partir de cette époque, tout l’attrait de Pierre Soulages pour le noir s’est développé dans une recherche à la fois chromatique et spirituelle. « […] Je considère que ma peinture ne devient de l’art qu’à partir du moment où elle est vue, où elle est regardée par d’autres et où elle est comme une œuvre d’art, c’est-à-dire comme une chose que d’autres regardent et vivent à leur manière », disait-il.

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