L’univers symphonique de Louise Farrenc

Publié le 06/01/2022

Erato

Tout à la fois pianiste, pédagogue, compositrice et même musicologue, Louise Farrenc (1804-1875) eut cet honneur de devenir professeur de piano du Conservatoire de musique de Paris, où elle milita pour la reconnaissance des droits des femmes au point d’obtenir l’égalité salariale avec ses collègues masculins. Au sein d’une production substantielle consacrée, entre autres, au piano et à la musique de chambre, ses trois symphonies occupent une place particulière. Ce à une époque où Beethoven régnait en maître absolu dans les concerts, au point que toute nouvelle composition devait se mesurer à l’aune du maître allemand. Formée auprès d’Antoine Reicha, Louise Farrenc se signale par l’originalité de l’inspiration, se traduisant singulièrement par un remarquable souci de l’écriture pour les vents, souvent placés en position de solistes. « Une musique d’une inspiration et d’une qualité sans égale dans le Paris du milieu du XIXe siècle », souligne Laurence Equilbey.

La Symphonie N° 1 op. 32, créée en 1845 à Bruxelles, avant de l’être à Paris lors d’un concert de bienfaisance, voit le jour dans une période d’intense activité musicale, notamment dans le domaine de l’édition et du développement de la facture instrumentale, de piano en particulier. Au moment où Chopin s’installe à Paris, la capitale est un foyer actif, notamment dans le secteur du théâtre lyrique, alors que l’Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire est l’une des institutions orchestrales les plus célèbres. L’œuvre s’inscrit dans la tradition du classicisme viennois et fait montre d’une recherche d’originalité tout à fait personnelle. Ainsi du premier mouvement qui, passée une introduction Andante d’un sombre lyrisme, bascule dans un Allegro bien rythmé, d’une belle invention mélodique, frôlant l’héroïque. L’Adagio cantabile s’ouvre par les cordes avant que s’installe le thème énoncé par les bois dans une manière calme et chantante quasi schubertienne. Le Minuetto contraste par sa tonicité, tandis que le trio déploie une douce atmosphère nocturne dans laquelle hautbois, cor et flûte tressent d’agréables volutes. Quant au finale, également énergique, sa saveur ressort d’une dramaturgie alternant mélodisme et ce qu’il faut d’éclat pour en renouveler l’intérêt. Là aussi, la manière est plutôt du côté de Schubert que de Beethoven.

Plus riche encore, la Symphonie N° 3 op. 36 connut une création enviable puisque jouée en 1849 par l’Orchestre du conservatoire dans le cadre de ses concerts d’abonnement. Après une courte introduction confiée au hautbois solo, l’Allegro se déploie très vif dans son écriture serrée et sa rythmique complexe. S’en détachent des passages concertants des seuls vents. L’Adagio cantabile, introduit par le cor et la cantilène de la clarinette, offre un paysage radieux que relaient les cordes. Une harmonie qui de nouveau fait penser à Schubert. Le développement comporte une touche de dramatisme maintenant le discours en haleine. Au Scherzo vivace l’ambiance devient tourbillonnante. Mendelssohn n’est pas loin, mais avec un chic très gallique et une étonnante maîtrise de la dynamique. Le trio, confié aux bois sur de légers pizzicatos des cordes, est une merveille de raffinement. Le finale se caractérise par son énergique articulation. La juxtaposition de la partie des bois et de celle des cordes confère au mouvement un sel particulier.

L’affection de Laurence Equilbey pour la musique de sa lointaine consœur est patente à travers des lectures ardentes combinant densité et transparence dans des exécutions techniquement d’un grand poli. Car les sonorités des instruments d’époque d’Insula orchestra lui apportent toutes ses couleurs, alliées à une vraie souplesse dans le jeu, des vents notamment. Ce CD est le bienvenu, permettant d’écouter des partitions injustement négligées.

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