Martine Martine : « Balzac à l’infini »
Buste de Balzac I, 2006, bronze, 53 x 39 x 36 cm
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Jamais, sans doute, les Balzac de Martine Martine n’ont trouvé plus bel espace que dans la fondation publique Fernet-Branca à Saint-Louis où ils sont exposés pour affirmer leur diversité, leur présence. Ces œuvres respirent, peintures, lavis, sculptures, se répondent dans les vastes salles lumineuses aux murs blancs.
L’écrivain est là, présent « à l’infini », toujours le même et toujours différent dans l’expression intense de sa force intérieure. À travers ces multiples visages si vivants, à la puissante densité expressive, que réalise Martine Martine, revit ce génie devenu mythe.
Cette figure imposante, magistrale, de la littérature a inspiré des artistes aussi importants qu’Honoré Daumier, Auguste Rodin évidemment, Pablo Picasso, Eduardo Arroyo, et d’autres encore mais aucun n’a passé tant d’années avec ce personnage fascinant, intrigant. Depuis dix ans il est devenu pour Martine Martine, le thème unique de sa création qui compte aujourd’hui 600 portraits de ce géant littéraire. L’on demeure admiratif et stupéfait devant une œuvre d’une telle ampleur.
Chaque visage retient l’attention car l’artiste évoque aussi bien la puissance créatrice de l’écrivain que ses doutes, ses inquiétudes avec une rare vérité. Libres, vivantes, ces représentations traduisent l’émotion ressentie par le peintre, son admiration pour un être hors du commun qu’elle traduit dans la spontanéité de la touche souvent visible posée cependant après mûre réflexion en une matière nourrie et une palette forte à dominante rouge, verte, ou un bleu que l’on retrouve parfois dans la représentation de la figure et des mains. Ce sont autant de moments surpris dans l’intimité du romancier dont le regard aigu, perçant, ne cesse d’impressionner et parfois Balzac est représenté pensif, perdu dans sa réflexion avant l’écriture. Il vit intensément sur la toile, avec la passion qui l’habite et qu’il exprime dans cette phrase : « ce qu’il a entrepris par l’épée (Napoléon), je l’accomplirai par la plume ». Ainsi est cet être de passion et de démesure que Martine Martine capte si bien en une magnifique traduction de ce que représente cet auteur unique, prolifique. Le feu sacré qui habite ce génie, qui, sans prendre de repos scrute la société, se retrouve dans ces Balzac, afin d’exprimer les différentes facettes de ce colosse mystérieux.
Balzac VI, 2012, lavis, 225 x 155 cm
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Martine Martine se révèle également très à l’aise dans les grands lavis (235 x 155 cm) superbement travaillés et où l’écrivain apparaît parfois en pied, livre à la main, exprimé en traces nerveuses, dynamiques, d’ocre, de noir, de blanc. Le regard est ici impressionnant de présence, semblant scruter, interroger le spectateur avec une extrême intensité. Fort intéressants également sont les carnets d’étude au lavis dont les feuilles rassemblées en plusieurs tableaux, noir et couleur mêlés, révèlent l’intense travail préparatoire. Quelques bustes en bronze à la chair vivante, images de la vie et de l’esprit conjugués ponctuent le parcours. Œuvres-reflets du travail des mains qui façonnent peu à peu le visage, transmettent la vie à la matière dans l’intensité de l’expression.
« Balzac à l’infini » comme une obsession, une nécessité impérative de représenter encore et encore ce personnage si impressionnant qui fait partie de la vie de Martine Martine.
Deux jeunes peintres exposent également dans d’autres salles : Rachel Lumsden nous invite dans des intérieurs au dessin lisible, bien que souvent ébauché en un foisonnement de couleurs. Une intelligente narration poétique. Damien Cabanes est un coloriste pour lequel le motif sert de prétexte à la peinture car elle seule l’intéresse. En quelques traits rapides il évoque atelier et personnages où, là encore, la couleur l’emporte.