Maurice Ravel vu par Manuel Rosenthal

Publié le 15/03/2019

Fario

La parution remarquée de Maurice Ravel – L’intégrale, correspondance (1895-1937), écrits et entretiens a largement été commentée.

On revient ici sur un autre livre consacré à Ravel. Un livre absolument palpitant publié chez Fario : celui des souvenirs de Manuel Rosenthal.

Quand un musicologue fait parler un musicien

Les souvenirs de Rosenthal ont été recueillis par Marcel Marnat, musicologue, qui a déjà publié un livre sur Ravel en 1986.

Rosenthal est un instrumentiste, compositeur et chef d’orchestre. Il a été « longtemps inaccessible », confie Marnat. C’est en cette même année 1986 que les deux se rencontrent. Leurs entretiens commenceront. Il en résultera cette retranscription dont Marnat ne cache pas les difficultés de l’entreprise…

Au-delà du thème ravélien, c’est donc aussi une réflexion sur l’art de retranscrire une conversation.

Quand un musicien parlait à un autre musicien

Rosenthal a 21 ans quand il rencontre Ravel, dont il devient l’élève. Il restera son intime jusqu’à la mort de l’auteur du Boléro, de Daphnis et Chloé ou du Tombeau de Couperin en 1938. Marcel Marnat rappelle que le Ravel de 1920 n’était plus « le musicien délicieux d’avant 1914 ».

Grâce à ces souvenirs, on déguste les anecdotes et les réflexions de Ravel sur Beethoven ou Wagner : ainsi, Ravel, fou de La Norma de Bellini, « jubilait en démontrant que Wagner n’aurait pas écrit la mort d’Isolde s’il n’y avait eu, avant, la mort de Norma ! ».

Rosenthal évoque l’installation et la vie de l’artiste à Montfort-l’Amaury, la santé, la coquetterie, la gourmandise, l’originalité de Ravel.

Quand un musicien parle d’un musicien et de sa musique

Rosenthal évoque les passions musicales de Ravel, de Weber à Schumann, et le don essentiel d’exprimer une immense tendresse, y compris envers les instruments.

L’Enfant et les Sortilèges (Rosenthal souligne combien on ne dira jamais assez l’importance de cette œuvre dans la production ravélienne), et Ma Mère l’Oye sont analysés par le violoniste à l’aune de ce don.

Le théâtre, les femmes, les disciples et les maîtres, les Italiens et les Russes, sont autant de thèmes prétextes à compagnies et analyses musicales.

On voit également les rapports que Ravel entretenait avec les autres artistes et musiciens, notamment d’orchestre.

Rosenthal évoque Ravel au piano et les pianistes jouant Ravel sous le regard du maître… La Sonate pour violon et piano fait l’objet d’un chapitre propre. Rosenthal et Ravel conversaient technique, assurément, et évoquaient la question des tempi ou de la pédale de piano. Évidemment, le jazz et Darius Milhaud sont de la partie.

Instructif et jubilatoire, tout cela est un pur régal !

On ne peut, les pages tournées, que s’abandonner encore à la musique de Ravel, reconnaissable aux premières notes et à l’atmosphère unique.

LPA 15 Mar. 2019, n° 142z2, p.13

Référence : LPA 15 Mar. 2019, n° 142z2, p.13

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