Métamorphose du bijou : des joyaux de 1880 à 1914

Publié le 21/09/2023

À l’École des arts joailliers, une superbe présentation dans d’élégantes vitrines lumineuses met en valeur la beauté, la singularité des bijoux et objets Art Nouveau dans lesquels l’imaginaire s’associe à la nature et aux animaux, permettant des créations novatrices, parfois somptueuses. Une exposition à voir jusqu’au 30 septembre 2023.

Broche, c. 1900, Maurice Robin & Cie (Or, perles, diamants, rubis), Chicago, The Richard H. Driehaus Collection

The Richard H. Driehaus Collection, photo : Michael Tropea

La centaine de pièces réunies crée une véritable féerie et affirme l’importance du bijou, ainsi que son renouvellement, à partir de la fin du XIXe siècle jusqu’à la Grande Guerre. Cette nouvelle esthétique est en rapport avec la peinture qui, à, cette époque, recherchait une autre forme d’expression après l’impressionnisme. Cette exposition ne se réduit pas à la présentation de bijoux, pour certains exceptionnels : elle est aussi une réflexion sur la spécificité du mouvement Art Nouveau. L’accent est également mis sur la reconnaissance du travail de la joaillerie comme art.

Précieux et originaux, les pendentifs, broches, bagues, tant prisés par les femmes de l’époque, séduisent aujourd’hui encore, suscitent l’admiration par l’invention créatrice dont ils témoignent et qui associe or, pierres précieuses, émail et réinventent l’art de la joaillerie. Ces pièces, qui marquent cette période, sont les témoins d’une approche nouvelle. Les noms de ces grands créateurs demeurent célèbres : René Lalique, Victor Prouvé, Georges Fouquet, Elisabeth Bouté et d’autres encore, dont quelques œuvres présentées dans l’exposition émerveillent. Ces bijoux ont en commun la présence de l’arabesque qui enserre fleurs, insectes ou visage féminin, telle que dans la « Nymphe des mers », un somptueux pendentif conçu par Georges Fouquet dans lequel le profil féminin « émerge d’une mosaïque d’opales aux différents tons de vert, à laquelle s’ajoutent diamants et émail ». Ce bijou révèle une extraordinaire richesse d’invention, en particulier dans la souplesse de la ligne. Les animaux peuvent devenir des créatures hybrides, tel l’élégant « Sphinx » dans lequel René Lalique assemble roche, or, diamants, émail. C’est encore le très fin « Serpent de mer », un devant de corsage dans lequel Fouquet assemble de petites émeraudes, comme des pétales de fleurs serties dans l’or et surmontées du serpent. Autre thème avec « La Forêt », réalisée dans la lumière du soleil couchant, une idée de Lucien Hirtz créateur de cette broche en or vert et émail. Aux alentours de 1910 une géométrie discrète apparaît, dans laquelle cependant la courbe cependant domine la droite.

Sources de créations inventives, chatoyantes, le monde végétal et parfois animal, est souvent réalisé en d’élégants entrelacs. Les joailliers vont évoluer dans leur création reprenant, pour certains, l’idée de métamorphose, thème antique de la mythologie qui prend forme dans l’imaginaire des créateurs, de Lalique en particulier. L’Art Nouveau est ainsi à la source du renouvellement des bijoux qu’aiment porter les élégantes. Peu à peu une évolution va apparaître dans une forme légère d’abstraction, d’une plus grande stylisation : « Les Algues » pendentif tout en légèreté où Émile Colin associe perle et émail enserrés dans l’or en des courbes délicates, gracieuses dans un rythme vivant. Parfois l’on remarque un certain déséquilibre, volontaire, toujours dans l’élégance de la création.

Ces joailliers ont innové dans le choix des thèmes et des matières. Ils ont utilisé la transparence des pierres fines, leur éclat, leurs diverses nuances pour créer, en véritables artistes, des bijoux de rêve qui traversent le temps.

Broche femme et pieuvre, c. 1898 – 1900, Louis Aucoc (Or, émail, diamants, rubis, perles), Schmuckmuseum Pforzheim

Rossella Froissart

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