Mirabeau avait un frère

Publié le 10/02/2023

Cette gravure caricature, sous forme de poupée articulée, a été adjugée 4 030 €

Giquello & Associés

Honoré-Gabriel Mirabeau (1749-1791), le grand, le ténor, l’Orateur du peuple, la Torche de Provence, l’affreux, le jouisseur qui aurait voulu sauver la reine Marie-Antoinette des vilenies des révolutionnaires, mourut trop tôt pour réaliser son dessein. Il avait un petit-frère prénommé André-Boniface (1754-1792), qui fit autant parler de lui que son aîné, mais pas toujours en bien. Militaire, il n’a pas laissé que de bons souvenirs à ses subordonnés. Il se présentait comme le « vicomte de Mirabeau, colonel commandant du régiment de Touraine infanterie, chevalier de Saint-Louis et chevalier honoraire de Saint-Jean de Jérusalem, membre de la Société de Cincinnati et député de la noblesse du Limousin aux États généraux ». Il n’ajoutait pas qu’il était goinfre et ivrogne, ce qui lui valut le surnom de « Mirabeau-Tonneau » !

Ses ennemis s’emparèrent de ce surnom pour le caricaturer. Une gravure le représentant, le corps formé par trois tonneaux, les bras et les jambes s’ouvrant par l’action d’une ficelle, a été adjugée 4 030 € à Drouot par la maison Giquello & Associés, le 21 janvier 2023, lors de la dispersion de la collection du Dr. André Bernheim (1877-1961). Cette pièce découpée, aquarellée, et contrecollée sur un montage articulé formant un petit mannequin mouvant, réalisée vers 1790, est légendée en son ceintre par cet avis : « À cet ardeur de boire, à ce ventre en tonneau qui ne connaîtrait le cadet Mirabeau ». Les visiteurs de l’exposition consacrée en juillet 1939 au 150e anniversaire de la Révolution, au Musée Carnavalet, avait eu l’occasion de contempler cette caricature animée. Mirabeau-Tonneau bénéficia encore d’une autre caricature aussi peu flatteuse. Celle-ci le montre en « chef d’une légion de l’Armée noire et jaune en grand uniforme ». Il apparaît coiffé d’un bonnet de fourrure haut et pointu, d’un uniforme boudiné sur un ventre énorme, affublé d’un long sabre et jouant à l’émigrette (que nous appelons yoyo aujourd’hui). Il n’est pas impossible que cet accoutrement soit à l’origine du second surnom de Monsieur Tonneau : Mirabeau-Cravate. Alors installé dans l’Électorat de Bade, il avait levé en 1791 la légion des hussards de la Mort. Cette dernière était composée à l’origine par des Tolpaks, des troupes de cavaliers irréguliers hongrois levés pour renforcer les troupes des frontières, qui ne portaient pas d’uniforme réglementaire mais portaient des cravates. Nous devons cet élément vestimentaire aux premiers hussards Croates. On rapporte en effet que lors de la Guerre de Trente ans, des mercenaires croates furent présentés à Louis XIII ; le roi fut intrigué par une bande d’étoffe qu’ils portaient autour du cou. Les Croates se disaient alors « Hrvat », un mot imprononçable en français. Ils devinrent « krvat », puis « cravate ». À partir du milieu du XVIIe siècle, ce morceau d’étoffe se répandra dans toute l’Europe. André de Mirabeau, à la tête de ses hussard Croates, fut ainsi surnommé Mirabeau-Cravate.

Giquello & Associés, 5 rue La Boétie, 75008

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