Paris (75)

Modigliani et sa servante

Publié le 30/05/2023

La Bourguignonne d’Amedeo Modigliani est estimée autour de 7 M€

Giquello & Associés

Comment cette servante, dont nous ignorons le nom et l’histoire, croisa-t-elle la route d’Amedeo Modigliani (1884-1920) ? La Bourguignonne (55 x 38 cm) sera mise en vente publique pour la première fois, le 6 juin 2023, par la maison Giquello, avec une estimation tournant autour de 7 millions d’euros, lors d’une vente intitulée : Tentation n° 1, composée d’une quinzaine de lots éclectiques et exceptionnels. Ce catalogue propose également une autre œuvre inédite de Modigliani, un portrait de Max Jacob (dessin au crayon noir, signé en bas à droite et annoté Max Jacob sur le côté droit) estimé 150/200 000 €.

Ce portrait a été peint en 1918 au cours d’une période où Modigliani, en mauvaise santé, avait été envoyé avec sa famille dans le Midi. Privé de ses modèles habituels, il saisit des anonymes, des bonnes, un paysan, un apprenti, ou même un zouave avec ses médailles accrochées sur la poitrine. Nous savons que l’artiste ne fut actif que durant à peine quinze ans. Pourtant, durant cette courte période, il aura réalisé trois cent trente-sept œuvres, dont deux cent entre 1916 et 1919, notamment grâce au mécénat du poète polonais, Léopold Zborowski, qui avait pris la suite de Paul Guillaume, rencontré en 1914. Parmi ses mécènes, on compte également Roger Dutilleul, qui acquit La Bourguignonne à peine sortie de l’atelier. Il paya le tableau 250 francs, soit environ 500 € en valeur réactualisée. Le collectionneur avait aussi acheté, pour 150 francs, auprès de l’encadreur Constantin Lepoutre, une Tête de jeune fille.

Si les figures de Modigliani reflètent un mélange de maniérisme et d’esthétique à la Botticelli, transposés au XXe siècle, elles affichent toutes une frappante ressemblance. On les reconnaît grâce à leur étirement du cou, à des visages ovales et des yeux en amandes, souvent évidés, comme dans les masques ou les bronzes antiques. L’artiste expliquait ces attitudes par une curieuse réflexion : « Parce que tu regardes le monde avec l’un ; avec l’autre, tu regardes en toi » ! Modigliani dessinait vite, jetant bon nombre de ses dessins, sans les conserver ; il n’était jamais satisfait. Autant cette petite servante bourguignonne a une apparence sage, autant les nus, d’un érotisme lascif et tranquille, ont à l’époque choqué. Ils ont également fait de lui un « chantre de la beauté féminine », notamment le Nu couché, les bras derrière la tête, ou le Nu couché, le bras droit replié sous la tête, chez lesquels on verra d’abord une douceur poétique. La Bourguignonne tire sa séduction de son anonymat et de sa fonction.

Giquello, 5 rue La Boétie, 75008 Paris

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