Mortel bouquet
Les Presses de la Cité
La circulation des tableaux durant la Seconde guerre mondiale n’a pas fini de donner le tournis ! Entre les toiles et dessins volés par les Nazis, les rachats des biens des Juifs par les collaborateurs, et les œuvres dissimulées afin d’être protégées de vautours, les experts et les conservateurs ne parviennent pas à refermer les dossiers. Nicolas Chaudun, qui fut directeur de la rédaction de Beaux-Arts Magazine, avant de se lancer dans l’édition et dans l’écriture, n’a cessé de baigner dans le monde du marché de l’art. Il a tiré de ses tableaux qui se promènent l’idée d’une intrigue pour son roman. Mortel bouquet nous transporte ainsi dans la Sarthe aux confins du Maine, à la fin de la guerre, dans une petite ville dominée par une propriété dans laquelle vivent un aristocrate et sa fille invalide. Ajoutons à ces personnages, un assistant conservateur, qui flaire une bonne affaire. La propriété, de bonne taille, a été choisie en 1940 par le Louvre afin d’y entreposer des toiles de grand format de Rubens, David, Courbet, etc. La guerre terminée, il faut rapatrier ces œuvres. Conservateurs et experts accourent. François Stanislas du Daffoy, sixième marquis de Peyricars, le propriétaire de l’immense maison, organise une réception afin de recevoir tout ce petit monde et, pour bien faire, y invite la crème du village. Moqueur, Nicolas Chaudun donne une description de cette faune locale et conservatrice qui mérite le détour. Mais voilà, l’un des convives est retrouvé mort dans une automobile plongée dans une mare. Ce dernier, expert en peinture hollandaise, avait-il eu vent de l’apparition d’un tableautin hollandais non répertorié par le Louvre ? Au mystère de cette mort qui ressemble à un assassinat, s’ajoute donc cet autre mystère de l’art.
À notre tour, tandis que Nicolas Chaudun tente de démêler l’écheveau policier, de nous pencher sur le tableautin en question pour voir s’il n’a pas, par hasard, traversé le marché de l’art dans les ventes publiques. Premier indice donné par l’auteur, le monogramme AB, qui présente les deux consonnes l’une dans l’autre, le B dans l’A. « Ambrosius Bosschaert, naturellement ». Sans doute, mais lequel ? Le Vieux (1573-1621) ou le Jeune (1609-1645) ? Voire le frère Abraham ? Cette famille d’artistes installée à Middelbourg, afin de fuir les persécutions religieuses, était spécialisée dans la peinture de fleurs. Une peinture sur cuivre, Un Bouquet de fleurs dans un vase sur un entablement, a été vendue 11 430 €, le 19 octobre 2022 par la maison Fraysse & Associés. Il aurait été peint en 1633, selon Sam Segal, spécialiste de la peinture botanique des XVIIe et XVIIIe siècles. Une Corbeille de fleurs, également sur cuivre, une œuvre de l’ancien, a été adjugée 60 000 € à Drouot, le 28 mai 2021 par la maison Beaussant Lefèvre et associés. Lequel de ces deux tableaux a-t-il été utilisé par les personnages de Nicolas Chaudun ? Ni l’un, ni l’autre. Il s’agit du Bouquet dans une niche ouvrant sur un paysage, toujours d’Ambrosius Bosschaert, qui, celui-ci a tout de même tué trois personnes ! Une œuvre diabolique en somme… Mais nous vous laissons apprécier le roman où se mèle art et intrigues en cet été.
Nicolas Chaudun, Mortel bouquet, les Presses de la Cité, avril 2023.
Référence : AJU009j4
