Naples en Bourgogne

Publié le 30/05/2022

Modello du Triomphe de la foi et la gloire des Dominicains, pour l’église napolitaine San Domenico Maggiore, par Francesco Solimena, est estimé 500/700 000 €.

Tajan

Selon les dictionnaires, le style rococo est un art d’illusionnisme qui se caractérise par la recherche du luxe, le sujet frivole voire fripon, et une tendance nettement décorative. En architecture, ce sont les lignes courbes et l’abondance des décorations, notamment les têtes sculptées en façade qui en sont l’indice. Autrement, le rococo se caractérise par une profusion de rocaille. Prenons l’exemple du Transport céleste de la Sainte Maison de Lorette par Giambattista Tiepolo (1696-1770), voire le plafond du cabinet chinois du Palais royal de Turin par Claudio Francesco Beaumont (1694-1766). En écoutant l’expert en tableaux anciens, Éric Turquin, nous oserions définir le courant rococo grâce aux anges virevoltants gracieusement, aux raccourcis saisissants, au mouvement ascensionnel au milieu des nuées et au tourbillon de l’ensemble d’une composition picturale. L’expert décrit plus précisément le modello de la fresque de la sacristie de l’église napolitaine San Domenico Maggiore par Francesco Solimena (1657-1747). Cette toile, intitulée Le triomphe de la foi et la gloire des Dominicains, a été récemment retrouvée dans un hôtel particulier en Bourgogne et sera mise en vente le 22 juin prochain par la maison Tajan, assistée par le cabinet Turquin, avec une estimation de 500 000/700 000 €.

Cette toile redécouverte, restée à l’abri des regards pendant plus d’un siècle, est importante pour l’histoire de l’art. Toujours selon Éric Turquin, elle « révolutionne la peinture à Naples, marquant le passage de l’art baroque du XVIIe siècle au rococo du XVIIIsiècle ; elle est une étape importante dans l’histoire des grands décors monumentaux en Europe, entre Tiepolo et Luca Giordano (1634-1705) ». Ce dernier, très apprécié au XVIIe siècle en Europe, a bénéficié d’une exposition au Petit Palais à Paris.

On considère que Francesco Solimena a synthétisé de manière très personnelle les expérimentations picturales du même Luca Giordano et du baroque expressif de Mattia Preti (1657-1747). Rappelons que ce dernier est l’artiste qui a réalisé les fresques narrant la vie du saint Jean-Baptiste dans la co-cathédrale Saint-Jean de Malte. À Naples, Solimena a ainsi introduit une version particulière du courant rocaille, fortement marqué par le classicisme de l’Arcadie et le rationalisme du siècle des Lumières. Adulé, il fut reconnu comme un des plus fameux artistes de son époque et a marqué bon nombre de peintres comme François Boucher, Jean-Honoré Fragonard ou Francisco de Goya.

L’église San Domenico Maggiore fut construite entre 1283 et 1324, selon un vœu de Charles II d’Anjou (1254-1309), après les sanglantes vêpres siciliennes. Ce couvent des frères dominicains abrita notamment Thomas d’Aquin, Giordano Bruno et Tommaso Campanella. Sous la fresque, sur tout le tour du balcon de la sacristie, dans 45 sarcophages, les rois aragonais de Naples et leurs proches veillent.

• Espace Tajan, 37 rue des Mathurins, 75008 Paris

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