Noël sous le lac – Une famille oubliée

Conte de Noël
Publié le 26/12/2022

L’accueil chaleureux sous les eaux

BGF

« Là, c’est bien », dit le père à l’enfant, en immobilisant la barque. Une branche plus basse que les autres effleure la surface du lac. Un léger remous forme une risée ; le courant se montre un peu plus fort au moment où il se mêle à celui de la rivière. Gwenaël fixe une petite canne sur le plat-bord de la barque et montre à Armel comment la maintenir et surveiller le bouchon qui se balance sans effort à quelques mètres d’eux. Le pêcheur à son affaire, tout en effectuant tous les gestes que tous ses semblables accomplissent au même moment, regarde son fils. Le vol d’un martin-pêcheur le distrait un moment. Le petit garçon, concentré, attend que la ligne se tende. À son tour, le père pénètre dans cette atmosphère si calme et si tranquille. Des images passent derrière ses yeux sans se bousculer, se mêlant au paysage qui l’entoure. Il le connaît bien ce tableau, son grand-père l’emmenait lui aussi pêcher avec lui, comme aujourd’hui lui et son fils. Il entend sa voix évoquer les mystères de la ferme inondée. Il songe à cette famille qui vivait en cet endroit et qui, avant la construction du barrage, a été contrainte de tout abandonner, surtout ses souvenirs. Qu’est-elle devenue ?

« Je vois des ombres sous l’eau », dit encore l’enfant à son père.

La petite voix se superpose à ses pensées. Au même moment, la risée court plus rapidement sur la surface du lac, des vaguelettes se suivent de plus en plus rapidement. Un bouillonnement se forme au centre de l’étendue d’eau. La barque est bousculée, entraînée vers ce qui semble être un tourbillon. La lumière du jour a baissé au point de créer une pénombre, vite éclairée par les flocons de neige qui tombent, étouffant les bruits ambiants. Face à ce phénomène curieux, le père prend son fils contre lui ; mais l’enfant ne manifeste aucune peur. La barque s’immobilise au-dessus du gouffre formé par le tourbillon ; soudain, venant des profondeurs, des sonneries de clochettes retentissent. Le père et le fils se penchent : ils voient bien des bâtiments éclairés et entendent des bruits de conversation, de la musique et des chants.

La barque bouge à nouveau ; dans un énorme chuintement, l’eau du lac refoule puis disparait livrant une terre ferme. Elle repose devant la porte de la maison qui s’ouvre. Un homme, le visage rocailleux, se tient devant eux et les invite à pénétrer dans une salle où un feu crépite dans une cheminée devant laquelle se tiennent les membres de sa famille qui leur adressent un sourire tout en décorant ensemble un sapin.

« Bienvenue, leur dit l’homme. Je suis heureux de savoir que ce sont vous mes invités de Noël. Vous ne le savez peut-être pas, mais chaque année, le lac disparaît et nous pouvons fêter Noël avec ceux que le ciel nous envoie. Entrez, entrez, vous êtes chez vous ».

Gwenaël et Armel se mêlent alors à cette famille oubliée et, avec eux, boivent, mangent, chantent près de la crèche installée sur la cheminée. Ils ne voient pas le temps passer, jusqu’à ce que les cloches de l’église du village se mettent à sonner.

(À suivre)

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