Nous avons perdu Ninive

Publié le 15/06/2022

De Victor Place, Ninive et l’Assyrie, avec des essais de restauration par Félix Thomas.

Alde

Ninive, la capitale de l’ancienne Assyrie, a fait rêver tous les archéologues ! Installée sur la rive gauche du Tigre, aujourd’hui dans la banlieue de la ville de Mossoul, ses plus anciennes installations remontent au VIIIe siècle avant l’ère commune. Outre les palais et les temples, ce sont les fameux jardins suspendus qui retiennent l’attention. Les historiens contemporains pensent qu’ils ont peut-être été à l’origine du mythe des jardins suspendus de Babylone, les auteurs classiques ayant confondu le Tigre et l’Euphrate, Ninive et Babylone, Sennachérib, roi d’Assyrie (de 705 à 681 avant l’ère commune) et Nabuchodonosor II, roi de Babylone. Ce ne fut pas le cas de Paul-Émile Botta, qui fut nommé en 1842, consul de France à Mossoul. Passionné par la civilisation mésopotamienne, comme beaucoup d’autres, il effectua des recherches sur le site de Khorsabad sans savoir qu’il abandonnait là le site de l’antique Ninive. Ses relevés des reliefs et monuments trouvés, furent néanmoins riches d’enseignement. Son successeur à Mossoul, Victor Place, reprit en 1851, sur ordre du gouvernement français, de manière systématique les fouilles de Khorsabad. Il était assisté du peintre et architecte Félix Thomas et de Gabriel Tranchand qui, grâce au daguerréotype, fut le premier à utiliser la photographie de manière scientifique en archéologie.

Nous pouvons le consulter grâce à l’ouvrage composé par Victor Place : Ninive et l’Assyrie, avec des essais de restauration par Félix Thomas. Un exemplaire de l’édition originale, relié à l’époque en demi-chagrin brun, le dos orné de caissons à froid, les tranches lisses, a été adjugé 5 625 €, le 5 mai dernier par la maison Alde. Cette édition, tirée à 100 exemplaires, est la seule à avoir été mise dans le commerce. Elle comprend un atlas renfermant une carte de l’Assyrie et 86 planches gravées au trait d’après les relevés de Félix Thomas, dont 15 en couleurs et 10 à double page.

Les archéologues avaient mis à jour d’importants vestiges du palais du Roi assyrien Sargon II. Malheureusement, en 1855, le radeau qui transportait les vestiges et documents de cette découverte fut coulé par des pillard, exactement à Al-Qurnah, à la confluence du Tigre et de l’Euphrate et où se forme le Chatt-el-Arab. Les quelque 240 caisses d’antiquités comprenant également les pièces collectées par Henri Creswicke Rawlinson (1810-1895) à Kuyunjik et de Fulgence Fresnel à Babylone, y ont sombré pour toujours dans ce chenal du delta commun du Tigre et de l’Euphrate. Celui-ci débouche sur le golfe Persique après un parcours de 200 kilomètres. Les efforts ultérieurs pour récupérer les antiquités perdues, y compris une expédition japonaise dans les années 1970, ont été en grande partie infructueux.

• Alde, 1 rue de Fleurus, 75006 Paris

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