Paul Delvaux, peintre de l’insolite

Publié le 10/08/2017

Palais Lumière

« Peindre autrement ou bien peindre autre chose », écrivait Claude Lévi-Strauss à propos de Paul Delvaux, un artiste hors normes, révélateur d’un monde mystérieux teinté d’érotisme et de poésie.

En 80 œuvres, l’exposition présentée au Palais Lumière d’Évian invite à entrer dans un univers insolite de silence peuplé de jeunes femmes, nues pour la plupart, de squelettes, mais encore de gares, les trains ayant passionné l’artiste toute sa vie. Les huiles, aquarelles, dessins, proviennent d’une importante collection particulière belge auxquels s’ajoutent quelques pièces prêtées par des musées de Belgique.

Né en 1897 près de Liège, Paul Delvaux étudie l’architecture puis la peinture, cependant sa famille, notamment sa mère, ne l’encourage pas dans la voie artistique. Plutôt castratrice, elle lui présente la femme comme un danger, ce qui explique sans doute en partie ses sujets récurrents.

Présentée par thèmes qui se croisent au long de la création du peintre, l’exposition se décline en plusieurs sections : féminité, rêve, voyages, solitude, mystère. Une œuvre foisonnante, fascinante, qui interroge ; une œuvre cohérente aussi dont on remarque la retenue et qui apparaît froide, dénuée d’émotion. Moins connu que René Magritte, Paul Delvaux est l’un des grands peintres belges ; il est volontairement resté en retrait et s’il n’a pas adhéré au Surréalisme à ses débuts, il a été influencé par certains peintres appartenant à ce mouvement, comme James Ensor, Constant Permeke ou Salvador Dalí. Cependant, son écriture est unique, glacée dans la palette et figée dans les attitudes. Depuis 1932, année où il découvre au musée Spitzner les figures de cire qui lui révèlent l’insolite, la femme nue au corps pur et lisse presque transparent parfois, peuple ses toiles et toujours le même visage plutôt indifférent. Paul Delvaux aime les jeux de duos féminins qui cependant ne communiquent pas ; elles évoluent au milieu d’une architecture antique le plus souvent, rigoureuse, et il flotte sur ces compositions une ambiance quelque peu érotique.

Dans ces tableaux peints avec finesse en un dessin sûr, se fait jour une certaine liberté. Vers 1944, il a trouvé son propre univers et le décrit en un vocabulaire très personnel. S’il a apprécié l’œuvre de Gorgio de Chirico, il a toujours conservé sa propre démarche artistique dans une figuration très écrite. On admire la carnation des jeunes femmes, la délicatesse de la palette blanc ocré et bleu, un souci du détail et l’élégance de ses compositions. Mais cette œuvre demeure le plus souvent énigmatique, elle conserve son mystère : il y flotte une lumière particulière.

L’incendie, une toile séparée en deux par Paul Delvaux dont les deux parties figurent à l’exposition, un cas unique de présentation d’un dyptique, chacun de ces tableaux apparaît peint pour lui-même. On remarque encore une Vénus endormie qu’il réalise en une pâte dense avec des éléments étrangers qui génèrent un univers fantasmagorique. Et lorsque Paul Delvaux évoque les squelettes, il leur donne vie, les peint comme des vivants ; certains semblent converser. C’est aussi Crucifixion où il détourne un motif classique, le Christ n’est plus que squelette, ainsi l’artiste fait naître l’étrange.

Symbole de voyage, d’évasion, la gare fascine l’artiste ; c’est pour lui un lieu magique, une ouverture vers le rêve qui éloigne d’un réel parfois difficile ; lui-même n’effectuera que des voyages intérieurs. On ne saurait oublier les aquarelles sensibles et les remarquables dessins.

Paul Delvaux, maître du mystère, a créé son monde en marge de la réalité.

LPA 10 Août. 2017, n° 128w5, p.23

Référence : LPA 10 Août. 2017, n° 128w5, p.23

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