Paul Klee, l’ironie à l’œuvre

Publié le 21/06/2016

Paul Klee, Tänze vor Angst/Danses sous lempire de la peur, 1938, aquarelle sur papier sur carton (48 x 31 cm), Zentrum Paul Klee, Berne.

Adagp, Paris 2016

Cet artiste a abordé avec aisance la figuration puis l’abstraction, revenant plus tard à une réinvention personnelle du réel. Il reste inclassable tant son œuvre est diverse.

Paul Klee naît en Suisse en 1879 ; il effectue ses études artistiques à l’académie de Munich puis se rend en Italie en1901-1902 pour parfaire son enseignement. En quête de la couleur, il la découvre en Tunisie, comme l’atteste Gothique joyeux, une abstraction à l’aquarelle fortement colorée.

Au début de 1900, il souhaite s’évader de l’enseignement académique reçu et crée alors de vivantes peintures sous-verre et aquarelles où déjà il prend quelques libertés avec la forme. Ironique, sa création graphique atteste d’une vivacité d’écriture et d’une réflexion sur la société ; il se révèle excellent dessinateur dans des caricatures à l’eau-forte. En constantes recherches, il passe peu à peu du graphique au pictural dans un désir de maîtriser la couleur devenue moyen d’expression.

À Munich, où il est installé, il découvre Der Blaue Reiter fondé par Vassily Kandinsky et Franz Marc qu’il a l’occasion de rencontrer ; il demeure marqué par ces peintres comme il l’est à Paris en 1912 à la découverte du cubisme de Pablo Picasso, Georges Braque, Robert Delaunay. Années décisives pour son œuvre, son style a évolué, il crée des formes autonomes. Quelques dessins demeurent encore lisibles mais la forme disparaît peu à peu pour faire place à des taches rectangulaires doucement colorées. Paul Klee prend une vraie distance avec le motif et laisse la couleur structurer la composition.

Durant la guerre de 1914 il s’interroge, réfléchit, fortifie son œuvre et publie un essai : Confession du créateur. Il se rapproche parfois du cubisme orphique dans la gaîté de la palette ; ce sont de longues touches, courbes, harmonieuses qui impulsent le mouvement. Professeur au Bauhaus à Weimar en 1920 durant quelques années, il schématise sa création ; pour lui le travail de l’artiste est de « rendre visible » ce que notre œil ne saurait découvrir. Ses tendances constructivistes prennent naissance à cette époque avec des compositions géométriques agencées en lignes et carrés aux teintes vives dans lesquelles il désire préserver l’harmonie.

Homme de son temps, Paul Klee est cependant attaché au passé ; Vieux arbres porte l’empreinte de ce retour à une figuration repensée où, aux traits, s’ajoute un semis de points à la manière des mosaïques. Il développe avec ces œuvres ses recherches sur la lumière. Dans d’autres tableaux il revient à la géométrie, créant un monde mystérieux. Il fuit l’Allemagne nazie en 1933, rentre à Berne où il peint Rayé de la liste, allusion à la lutte contre « l’art dégénéré », une forme de résistance. Puis il part pour Paris, s’intéresse à nouveau à l’art de Picasso et bientôt un dialogue s’installe avec cette création. Paul Klee est frappé par la métamorphose des visages, des êtres par le peintre espagnol, il peint Dame Dæmon qui symbolise cette vision biomorphe dans une palette adoucie. En 1939, année précédant sa mort, il se montre prolifique, son œuvre ressemble à un journal intime. Quant à ses dernières toiles, elles expriment en un lumineux chromatisme et un puissant tracé sa force de vie.

 

LPA 21 Juin. 2016, n° 116y2, p.23

Référence : LPA 21 Juin. 2016, n° 116y2, p.23

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