Peindre en plein air

Publié le 25/01/2022

Jules Coignet, Vue de Bozen avec un peintre, 1837.

Fondation Custodia

La peinture en plein air est pratiquée par les peintres dès le XVIIe siècle, ils réalisaient des esquisses à l’huile sur papier souvent préparatoires à des tableaux. Remettre en valeur cette partie de la création, tel est le thème de l’exposition présentée à la Fondation Custodia.

On connaît la richesse des collections de cet établissement ; nombre de ces œuvres figurent sur les cimaises aux côtés de prêts de la National Gallery of Art de Washington et du Fitzwilliam Museum de Cambridge. Ainsi sont réunies des études diverses, révélatrices du talent de ces artistes qui transmettent la beauté de la nature au cours des siècles.

Si des peintres – Claude Lorrain, entre autres – ont déjà étudié le paysage sur place, l’expansion de cette démarche se situe entre 1780 et 1870. Les Anglais, Turner et Constable, ainsi que Corot – l’un des premiers en France à peindre sur le motif – furent des précurseurs de l’impressionnisme. Peindre sur le site, une démarche exaltante, source d’émerveillement et qui permet de transcrire la lumière, l’atmosphère. Mais comme le montre l’exposition avec quelques esquisses, il n’est pas si aisé de travailler en plein air, l’artiste doit transporter tout un matériel visible dans la superbe étude de Julien Coignet, Vue de Bozen avec un peintre, dans laquelle apparaissent parasol, boîte de peintures, pliant sur lequel l’artiste est assis devant une montagne qui semble presque l’écraser. On découvre dans ces œuvres le rapport intime, immédiat avec le lieu choisi, souvent traduit en des tonalités d’ocre brun. Ces compositions sont baignées de sérénité. Chaque élément du paysage figure dans l’œuvre. Les arbres sont diversement représentés : vigoureux, vivants comme celui aux branches déployées que Simon Denis représente vers la fin du XVIIe siècle dans une douce lumière. Celui de Théodore d’Aubigny est au contraire élancé sur fond de ciel bleu diaphane, tandis que Frederik Rohde peint un groupe d’oliviers sur une colline.

Cependant, ce que les artistes ont tenté tout d’abord, c’est de révéler la lumière dans ses différences, selon les lieux, les saisons, les heures ; celle de la campagne romaine est inégalable par sa finesse. Elle se diffuse sur Le Pont San Bartolomeo, où Corot peint maisons et clochers en une géométrie audacieuse pour son époque, remarquablement traités dans la douceur de la gamme colorée. De nombreux peintres ont sillonné les alentours de Rome à la recherche de cette lumière particulière, différente de celle de l’Italie du Sud sur Naples, le Vésuve, Capri, le Stromboli. Ici, c’est la puissante beauté d’une éruption, des laves incandescentes orangées, un spectacle unique autant qu’inquiétant, comme l’atteste Jean-Charles-Joseph Rémond qui semble subjugué par cette vision du Stromboli en effervescence. Plus paisibles, les vues de Capri, sa beauté, la mer bleue et sa lumière si particulière.

Eau et parfois rochers peuplent la campagne et les artistes ont aimé l’inscrire dans leurs compositions : c’est la fine esquisse Chutes de la rivière Traun, écumeuses, à la blancheur lumineuse réalisées en premier plan par Christian Morgenstern et si vivantes que l’on croit entendre le bruit de l’eau rugissante. Dans la pénombre d’un coucher de soleil, le baron François Gérard tente de saisir des vagues se brisant sur des rochers disséminés, posés sur une mer étale, une vue de Vilhelm Kyhn. Le regard est également attiré par l’étude de Louise-Joséphine Sarazin de Belmont, une impressionnante cavité qui laisse entrevoir une partie de la nature environnante dans un camaïeu de bruns qu’éclaire un ciel laiteux. Avant Eugène Boudin, bien des peintres ont observé le ciel dans ses multiples variations ; chez Anton Melbye, des nuages légers entourent la montagne en une palette de gris nuancés, ils deviennent presque évanescents chez Constable dans sa composition d’une profonde délicatesse. Depuis 1780 jusqu’à la deuxième moitié du XIXe siècle, les peintres sont également attirés par les ruines, les cours de ferme, les toits, autant de sujets traités dans la liberté, loin du classicisme et proches de la réalité quotidienne.

Des dessins, le plus souvent d’une grande finesse, complètent cet intéressant parcours ; un « bol d’air » bienvenu, célébrant la beauté de la nature dans sa vérité.

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