Perles de jazz
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L’hommage à Larry Elgart
Quelle heureuse surprise — hélas liée, on suppose, au décès de Larry Elgart il y a quelques mois —, que cette réédition en un CD (Larry Elgart and his Orchestra, Blue Moon, 2017) des deux magnifiques albums, gravés en 1960 et 1961 , intitulés « Sophisticated sixties » (avec une pochette signée Peter Basch) et « The shape of sounds to come ». Son frère, Les, à la trompette, Larry, au saxo alto, dirigeait l’orchestre largement cuivré. Elgart a toujours su s’entourer des meilleurs arrangeurs, tels Nelson Riddle et pas moins de sept arrangeurs ont contribué à l’enregistrement de ces deux albums, dans lesquels la formation joue tant des standards du jazz signés Cole Porter (Just one of those things, I ve got you under my skin) ou Kern, que les compositions des arrangeurs Ernie Wilkins, John Murtaugh ou Bobby Scott. Scandaleusement ignoré de certains dictionnaires du jazz — comme un certain Ray Conniff avec lequel on décèle dans certains morceaux une parenté de style — Elgart méritait mieux que le mépris et l’oubli. Heureusement des éditeurs comme Blue Moon ont le courage et l’envie de faire connaître ce qui s’ignore encore.
Marty Paich le retour !
Vous souvenez-vous de Marty Paich ? Pianiste nourri de musique classique, arrangeur pour Stan Kenton ou Mel Tormé, compositeur, il était devenu accro au jazz en écoutant l’orchestre de Jimmy Lunceford. Quand il ne prêtait pas sa plume et son piano à des orchestres comme celui de Shelly Mane ou à de nombreuses stars de la scène jazz, Marty Paich dirigeait ses propres formations comme dans ce « Jazz for relaxation » sorti en 1956 qui vient d’être réédité en vinyle sous le label WaxTime (Marty Paich, Jazz for relaxation, 2017). Trois morceaux signés Paich y accompagnent des compositions de Count Basie, Howard Dietz, Harold Arlen ou Jérôme Kern. A cette distribution étincelante fait écho le quartette composé pour l’occasion de Marty, Larry Bunker (vibes), Howard Roberts (guitar), Joe Mondragon (bass) et Frank Capp (drums). Et dans deux bonus tracks, une autre formation où l’on retrouve pas moins qu’Art Pepper et Buddy Clark. L’écoute de ce « jazz relaxant » au son et timbres West Coast est un pur bonheur. Manière aussi de comprendre pourquoi au dos de la pochette originale Roberts Scherman hissait le piano de Marty Paich au sommet, à côté d’Art Tatum, Teddy Wilson et Erroll Garner ! Ne vous privez donc pas d’offrir, et de vous offrir, la musique de ce grand musicien dont Jean-Louis Chautemps a écrit qu’à travers lui « le sens du décomposé » et « cette légère lenteur qui rend les choses incertaines atteignent une sorte de perfection dans l’élégance déchainée ».
La harpe et le jazz
La harpe a été peu utilisée dans la musique jazz, c’est le moins que l’on puisse dire. La faute à sa texture ? Question de texture ou de réputation ? Que viendrait faire ici ce bel instrument, mais spécialisé dans la musique classique, et à qui colle l’image de la dame qui accompagne le son des tasses de thé dans les salons des palaces. Heureusement grâce à certains solistes comme Alice Coltrane et l’audace de types comme Gil Evans ou Billy May, la harpe a connu quelques heures de gloire discrète. Il faut donc souligner la parution du 8e album de la compositrice et harpiste Isabelle Olivier qui sort avec « In between » (2017), un album « Entre ». Au fait, un entre quoi et quoi ? C’est tout l’intérêt et la beauté de ce CD qui explore des univers sonores et nappes, où se croisent clarinette, guitare, batterie. Isabelle Olivier explique qu’elle est sensible à la question des lisières et des frontières. Elle se tient elle-même à distance. Et à la bonne. La harpe ne confisque pas la vedette et laisse s’étirer les plages de l’album autour des autres instruments. Elle n’est pas non plus là pour simplement colorer l’ensemble et faire acte de présence décorative. Écouter le jazz à travers une harpe, c’est partir vers un ailleurs qui demeure encore bien mystérieux après l’écoute. Une bien agréable expérience.
Jazz italien
Le jazz italien est une planète animée par un génie qui enfante régulièrement les meilleurs : Fresu, Mirabassi, Rava, Pieranunzi, Romano, Del Fra, Trovesi, Di Battista et d’autres, qu’on ne peut citer faute de place. Et régulièrement l’Italie produit des solistes et des formations de haut niveau. Ainsi du pianiste Fabio Bonifazi. Le label SteepleChase produit en 2017 son album E74ST (noter que le nouvel album, avec une formation 100 % italienne « Colori D’autunno », doit bientôt sortir), dont le titre renvoie à l’une des plages composées par Bonifazi et gravée en 2014 en quintette (Billy Kaye aux drums, Philip Harper à la trompette ; John Webber bass et guitar, l’italien Sandi à la basse sur un morceau) et 2016 avec le Federico Bonifazi Trio. Le jeu de Bonifazi qui n’est pas sans évoquer celui d’un Mirabassi qui fut l’un de ses profs, enroule aussi autour d’accords plaqués un piano efficace qui ne sacrifie jamais les envolées mélodiques. Les deux formations sont impeccables, le son est rond, tout sonne bien.