Philosopher n’est pas jouer

Publié le 17/10/2017

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En cette rentrée théâtrale il n’est pas toujours aisé d’opérer un choix entre les différentes offres… Il y a des choix qui s’imposent d’eux-mêmes, les Fourberies de Scapin à la Comédie française, et d’autres…

La vraie vie au théâtre

L’affiche est belle, déjà le théâtre, celui d’Édouard VII, toujours hanté par Sacha Guitry, dirigé depuis 2001 par Bernard Murat, met à l’honneur des pièces et des auteurs contemporains, qui ont connu un énorme succès, on pense notamment au Prénom, et dont la programmation est généralement heureuse…

Les acteurs, Guillaume de Tonquédec, Léa Drucker, Bernard Murat, Anne Benoît, Alka Balbir autant dire un casting prometteur, très prometteur…

Le metteur en scène Bertrand Murat, qui se dirige lui-même et dont les mises en scène soignées et efficaces font de lui un homme de théâtre reconnu et respecté.

Sur une idée du petit-fils de Jacques Lacan, Fabrice Roger-Lacan, qui a signé un grand nombre de pièces à succès (la dernière en date, La Porte à côté, déjà mise en scène par Bernard Murat au théâtre Edouard VII), l’histoire se présente comme un vaudeville, une pièce de boulevard.

L’intrigue présente Pierre en train de ranger sa bibliothèque, changeant de place des objets du quotidien afin de faire une bonne impression à Maxime Machin, son professeur de philosophie du lycée, perdu de vue, mais qu’il souhaite impressionner lors de ses retrouvailles impromptues. C’est alors que sa femme arrive à l’improviste et découvre les changements opérés dans leur intérieur, la joute verbale peut commencer.

Un quiproquo, un homonyme de ce Pierre Costa, plus connu que lui bien sûr, va nourrir la confusion. La scène où Léa Drucker explique au téléphone qu’il s’agit d’un homonyme est très drôle, mais voilà, cet imbroglio n’est qu’un artifice théâtral pour créer une dynamique qui, malheureusement, finit par tomber à plat.

Dans une unité de temps (une soirée) et de lieu (le salon d’un appartement parisien), les règles de l’art sont presque respectées. Toutefois, et c’est là que les choses se compliquent, l’action est confuse. En effet les cinq personnages vont dévoiler leurs failles, leurs échecs, leurs espoirs avortés. Qui sont-ils vraiment, quels secrets cachent-ils ? Qu’entend-on par la vraie vie ?

Mais justement, souhaite-t-on vraiment voir représenter la vraie vie au théâtre, ne doit-il pas y avoir un peu de magie ou de fantaisie dans un spectacle ?

Le spectateur se sent un peu trahi, passant du rire au sinistre, se découvrant voyeur.

On est parfois mal à l’aise ou perdu, trop d’informations, trop de sujets évoqués : l’infertilité, le droit à l’enfant, Alzheimer, les rêves et les échecs…

Il reste des dialogues ciselés, des démonstrations dignes d’un cours de philosophie sur l’être, la réussite.

Ce sont Léa Drucker et Guillaume de Tonquédec qui s’en sortent le mieux, leurs passes d’arme, leurs regards sur le monde face à ces étrangers qui viennent perturber leur quotidien est indéniablement ce qui fait le sel de la pièce.

Mais le public est embarrassé, les acteurs sont formidables et ont dû prendre un plaisir certain en lisant ces lignes et en les jouant mais on en sort déçu, pas vraiment certain du propos de la pièce… Il n’est pas donné à tout le monde de philosopher et de jouer en même temps. Mais entre vaudeville et philosophie il faut choisir…

LPA 17 Oct. 2017, n° 130h0, p.16

Référence : LPA 17 Oct. 2017, n° 130h0, p.16

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