Pollock, agent de la CIA malgré lui
De Martha Holmes (1923-2006) Jackson Pollock en train de peindre, ce tirage argentique postérieur, (35,5 x 32,5 cm), a été adjugé 715 €.
Giquello
Les portes du musée Picasso se sont refermées sur les toiles peintes entre 1934 et 1947 par Jackson Pollock (1912-1956). Les tableaux de ses années de jeunesse sont marqués par une pâte épaisse qui décline des couleurs profondes. Les critiques évoquent à leur propos l’influence d’André Masson (1886-1987) et naturellement de Picasso qu’il aurait souhaité égaler. « On pourrait évoquer d’autres surréalistes, Miró, Tanguy, Michaux, Lam, Klee, propose Jean-Pierre Delarge dans son Dictionnaire des arts plastiques modernes et contemporains. C’est une sorte de syncrétisme de cette tradition européenne qui l’amène, en 1942, à des toiles structurées, cubistes de traits, au chromatisme riche et varié, fourmillantes de références culturelles, hiéroglyphes, idéogrammes, accompagnant les sujets de toutes les mythologies », poursuit-il. La suite de l’œuvre de Pollock sera différente lorsqu’il expérimentera une technique de peinture consistant à presser des tubes sur la toile sans autre intermédiaire. « J’étends la toile par terre. Je me sens plus à l’aise par terre. Je me sens plus près. Je fais davantage partie de la peinture, car je peux me promener autour, travailler des quatre côtés et être littéralement dans la peinture. Cela est conforme à la méthode des Indiens de l’Ouest qui peignent sur le sable », devait-il expliquer. Cette méthode pratique du all-over ainsi que le dripping, procurant un relief que l’on a défini comme étant de l’expressionnisme abstrait, devait le rendre célèbre et, d’une certaine manière, inspirer les peintres contemporains.
La photographe Martha Holmes (1923-2006) a réalisé, en 1949, une série de clichés de l’artiste en train de peindre. On le voit en effet accroupi au-dessus d’une toile, jetant de la couleur. L’un de ces clichés, un tirage argentique postérieur, signé à l’encre dans la marge inférieure (35,5 × 32,5 cm), a été adjugé 715 euros, à Drouot, le 21 septembre 2024 par la maison Giquello assistée par l’expert Christophe Lunn. L’hôtel Drouot n’a pas eu l’heur de mettre en vente une toile de Jackson Pollock. Les moyens des collectionneurs français sont-ils plus restreints que ceux des anglo-saxons ? Pollock était classé au 33e rang des ventes aux enchères publiques de 2021. Il reste encore néanmoins un grand nombre de toiles en circulation, et la plupart s’échangent pour plus de 5 millions d’euros. Ce sont les œuvres peintes entre 1948 et 1951 qui atteignent les adjudications les plus hautes. Le record est détenu par la vente de Number 17 (1951), en 2021, à New York pour 46 548 045 euros (53 000 000 dollars).
On l’a longtemps ignoré, mais Pollock a bénéficié, sans qu’il le sache, du soutien de la CIA qui cherchait à mettre en avant la nouvelle peinture américaine, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en opposition aux manœuvres de l’Union soviétique qui cherchait à valoriser ses propres artistes. Dans un essai passionnant qui ressemble à une biographie, Christian Carisey raconte cette aventure qui a permis à l’un des plus grands artistes d’après-guerre de s’imposer malgré ses errements et son alcoolisme majeur.
Référence : AJU016w0
