Portrait d’une jeune fille « dérangée »

Publié le 23/11/2017

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Qui est Jeanne Hébuterne ? Ce nom ne nous disait rien avant d’ouvrir ce livre. Mais c’est justement pour ne plus jamais oublier ce nom, qu’il soit enfin associé à l’un des plus grands peintres du XIXe siècle, qu’Olivia Elkaim nous livre le récit de cette jeune femme, amie des plus grands artistes du XIXe siècle, femme et non pas épouse, de l’un des plus grands d’entre eux, Amadeo Modigliani, et dont le destin tragique nous hante encore, une fois la dernière page tournée.

C’est l’histoire d’une jeune fille de bonne famille, innocente, que la passion va ravager, préférant l’homme qu’elle aime avant tout, avant elle, avant sa famille, avant son art…

C’est l’histoire d’une femme qui va devenir folle d’amour et de chagrin, qui refuse les compromis, pour vivre son amour mais qui se laissera anéantir par cette passion en oubliant ses rêves. C’est l’histoire d’une passion amoureuse, qui ne fait pas rêver…

Mais c’est surtout l’histoire d’une réhabilitation, celle de cette femme, Jeanne Hébuterne, qu’Olivia Elkaim a décidé de placer au cœur de son récit et qui doit retrouver son nom et son influence dans la vie artistique de notre siècle.

Olivia Elkaim scande le nom de Jeanne Hébuterne, elle le répète : « Je suis Jeanne Hébuterne », encore et encore, afin que l’on n’oublie plus jamais le nom de ce visage pourtant passé à la postérité, grâce aux nombreux portraits réalisés par Modigliani.

Mais c’est surtout une descente aux enfers, de Paris à Nice, de l’académie de peinture Colarossi au quartier du Montparnasse, de la Première Guerre mondiale à 1920.

C’est un récit à la première personne, des phrases courtes dans un style vif, parfois répétitif, mais qui en fait un des éléments de la folie, du trouble, de Jeanne Hébuterne. Elle ne cesse de vouloir être soi mais s’échappe, se désintègre face au génie de 15 ans son ainé, qu’elle aimera à en mourir.

« Je veux vivre. Je veux peindre. Je veux être moi », voilà ce qu’elle assène, mais à aucun moment elle ne cherche à exister, elle se laisse peindre, aimer, bafouer par « Modi », car c’est plus fort que tout.

Cette folie amoureuse les pousse à braver les bonnes mœurs, l’opinion publique ; Jeanne deviendra mère d’une petite Jeanne, alors qu’elle est célibataire, Modigliani repoussant continuellement le mariage.

Le portrait de Modigliani est criant de vérité, il est la caricature de l’artiste maudit : juif italien mal aimé par la critique, pauvre, il vend peu, mais côtoie les artistes influents, il se drogue, est infidèle et finit malade, reconnu enfin pour son génie, il sera enterré en grandes pompes…

Jeanne Hébuterne ne lui survivra pas mais grâce à ce beau roman, son nom est enfin réhabilité et nous saurons que l’œuvre de Modigliani n’aurait sûrement pas été la même sans elle.

 

 

LPA 23 Nov. 2017, n° 131h7, p.16

Référence : LPA 23 Nov. 2017, n° 131h7, p.16

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