Rêve de malle

Publié le 02/11/2021

Cette « malle de voyage Goyard », qui a bien vécu, a été adjugée 3 700 €.

Thierry de Maigret

Dans les greniers, les malles anciennes recèlent des trésors, du moins, on l’imagine et l’on est souvent déçu lorsqu’on les ouvre. C’est leur extérieur qu’il convient d’examiner. Elles portent les stigmates de voyages au cours desquels elles ont été bousculées, jetées, ballottées, éraflées. Quelques-unes de ces blessures ont parfois été maquillées par des étiquettes colorées, illustrées de silhouettes d’hôtels, de paquebots et plus prosaïquement de numéros d’enregistrements. Les malles racontent à leur manière des rêves et des souvenirs. Une « malle de voyage Goyard » a été adjugée 3 700 €, à Drouot, le 29 septembre dernier, par la maison Thierry de Maigret. Ce lot, selon la formule précautionneuse des catalogues de ventes, était « vendu en l’état, accidents et usures, tâches », et était estimé en conséquence, soit 250/300 €.

Pas de trésor à l’intérieur, malgré cette adjudication hors de proportion. Une autre malle (90 x 40 x 25 cm), du même fabricant, certes plus récente, car datée des années 1930, et dans un état d’usure approchant, a été vendue 520 € confirmant son estimation de 300/400 €, le 15 mars dernier par Le Brech & Associés. Des malles Goyard de formats divers et en bon état, partent généralement entre 3 et 5 000 €. Bien sûr, ce genre d’objet peut se prêter à une restauration ; mais son coût total serait prohibitif. Cette malle aux chevrons, marque Goyard, la Goyardine, est devenue un trésor à découvrir.

La marque existe depuis 1853 et montre toujours une élégance discrète. La Goyardine à chevrons, elle, fut présentée pour la première fois à l’Exposition universelle de 1900. Elle sera remplacée en 1965 par une toile souple tissée et le chevron sera simplifié trois ans plus tard. En 2002, la toile se déclinera en douze couleurs. Bien qu’elle soit célèbre, la marque Goyard ne communique que très peu ; on ne fait pas la queue devant la boutique de la rue Saint-Honoré pour acquérir l’un de ses bagages. Coco Chanel possédait le sien, orné de son chiffre, Karl Lagerfeld aussi, comme les chanteuses Madonna ou Victoria Beckham.

Quoi qu’on en dise, la malle a toujours vécu avec son temps. À l’époque des diligences, elles étaient courtes et bombées. Exposés aux intempéries, leurs couvercles arrondis facilitaient l’écoulement de la pluie. Avec l’arrivée du chemin de fer et du transatlantique, la malle devint plate afin d’être glissée sous les couchettes ou d’être empilée les unes sur les autres : d’où leur nom, la « malle-cabine ». Notre malle mystère fait partie de cette catégorie. En l’examinant davantage, nous pourrions y découvrir, collée dans un repli de la toile intérieure, une étiquette qui serait un indice de sa longue vie.

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