Riopelle, un centenaire dans la démesure
Jean-Paul Riopelle, L’Original rouge (1981, lithographie sur papier d’Arches, 65,7 x 83,3 cm)
Estate of Jean Paul Riopelle / SOCAN (2022)
La façade du Palais des congrès à Montréal, faite de verrières colorées, est considérée comme l’une des « 1 001 merveilles de l’architecture qu’il faut avoir vues dans sa vie », dit Mark Irving, auteur d’un album éponyme. Ce bâtiment regarde et reflète dans ses vitres la fontaine conçue par Jean-Paul Riopelle (1923-2002). Celle-ci représente des personnages composés de petites plaques superposées comme cet artiste québécois aimait les construire. Ils tournent et arrosent ceux qui s’en approcheraient trop près. De temps à autres, un cercle de feu jaillit de l’eau tout autour des sculptures. Ce qui a lieu de surprendre le visiteur non prévenu. Riopelle avait baptisé sa fontaine : « La Joute », mais les Montréalais lui ont préféré le nom de « Trappeur supérieur ». Sans doute parce que la place Jean-Paul Riopelle est bordée d’arbres représentant toutes les espèces du Québec.
Cet artiste aurait été centenaire le 12 mars 2023. C’est l’occasion de lui rendre hommage. Déjà en 2020, le Musée des Beaux-Arts de Montréal avait réuni près de 175 de ses œuvres et plus de 200 artefacts et documents d’archives consacrés à son intérêt pour les territoires nordiques et les communautés autochtones d’Amérique du Nord. En cette année du centenaire, les musées et les fondations vont sortir leur grand jeu : le Musée des Beaux-Arts du Canada à Ottawa, le Centre Georges Pompidou ensuite jusqu’à la Fondation Maeght, le tout relayé par la chaîne TV5 Monde. Il y a de quoi faire ; son corpus de près de 7 000 œuvres a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’art.
Les tableaux les plus cotés de cet artiste sont ceux datant des années 1950, alors qu’il était dans une période totalement abstraite. On cite Brumaire (1953), vendu pour 1,1 million d’euros et plus encore, une autre toile « Sans titre », réalisée la même année qui a atteint 2,9 millions de dollars par la maison Heffel Fine Art, à Toronto, le 3 juin 2022. Cette dernière est un dripping composé à l’aide d’un couteau à palette. L’artiste, s’inspirant d’une technique utilisée par Max Ernst, a fait s’égoutter la couleur par le fond percé d’un récipient qu’il a déplacé au-dessus de sa toile, obtenant ainsi coulures et giclures. En France, une Composition, datée de 1950 (34 x 22 cm), a été adjugée 300 000 €, le 22 novembre 2017 par Drouot-Estimations. Sinon, la maison de ventes FauveParis a dispersé en juin 2021 et en septembre 2022 un grand nombre d’œuvres sur papier de Riopelle, notamment une encre datée de 1961 (37 x 46 cm), adjugée 32 575 € le 26 juin 2021.
Jean-Paul Riopelle fit un premier séjour à Paris dans les années 1940 et établit un pont entre le Canada et la France, où il passa près de 40 ans de sa vie, dont certaines de ses périodes de création les plus prolifiques. C’est encore à Paris, à Saint-Germain-des-Prés qu’il rencontra Joan Mitchell (1925-1992), avec laquelle il forma un « couple dans la démesure » qui dura 25 ans. Riopelle s’est toujours montré surpris que l’on qualifie ses œuvres d’abstraites : « Il n’y a pas d’abstraction ni de figuration : il n’y a que de l’expression ! », disait-il.
Référence : AJU008r3