Rousses : de Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel
La liseuse, par Jean-Jacques Henner.
RMN Grand Palais / Franck Raux
Voilà une exposition qui sort des sentiers battus ; elle a pour thème la chevelure rousse dans l’art, en particulier en peinture et littérature.
Le charmant hôtel particulier du XIXe siècle, à proximité du parc Monceau, fort bien restauré, constitue un écrin idéal pour cette exposition. Il appartenait au peintre Jean-Jacques Henner (1829-1905), un peu oublié aujourd’hui, et qui s’est fait connaître en particulier pour ses nus à la chair très blanche se détachant de fonds sombres. C’était aussi un excellent portraitiste.
Le visiteur est convié à une promenade parmi les peintures, photographies et œuvres littéraires, en compagnie de multiples jeunes femmes rousses, devenues icônes pour certaines. Roux lui-même, Jean-Jacques Henner a sans doute été victime de moqueries dans sa jeunesse ; de nombreux préjugés existaient sur cette couleur si particulière. Est-ce ce qui l’a incité à une image sublimée de la rousseur dans son œuvre ?
Dès 1872, il peint Idylle, deux nus en plein air qui le démarquent des autres artistes ou La Liseuse, visage et corps diaphanes dorés de lumière. Expressive, la jeune femme est dotée de cheveux au roux nuancé, et encore Hérodiade. Les corps immaculés, sur lesquels coule la lumière, apparaissent dans un décor de verdure aux verts puissants. D’autres artistes, notamment Renoir avec Femme à la rose, ont été séduits par cette couleur qui, comme le souligne Michel Pastoureau, « est toujours prise en mauvaise part » jusqu’à une période pas si lointaine.
Une salle est consacrée à la créatrice de mode Sonia Rykiel, célèbre pour son talent autant que pour l’abondance de sa chevelure d’un roux éclatant qu’elle portait avec panache. Près de cette égérie des masques de Papouasie, impressionnants, effrayants pour certains, ornés de crin roux, révèlent l’attrait de cette couleur sous tous les continents.
Et malgré tout, bien des préjugés ont pesé sur elle : on disait les roux violents et les femmes passaient pour des sorcières. Cependant elle exerce une sorte de fascination. En témoigne encore Georges Catlin, qui a représenté des Indiens portant une crête de cheveux de cette couleur flamboyante.
Le triste sort de Poil de Carotte, roman de Jules Renard, illustre la moquerie, la méchanceté, la méfiance dont les roux ont été victimes durant une période.
Vers la fin du XIXe siècle, le regard change, l’affiche, les bandes dessinées s’emparent de ces thèmes : ce sont des jeunes femmes à la chevelure ardente qui vantent un produit : Eugène Grasset, Cappiello… On retient la vraie présence de la magnifique danseuse Loïe Fuller, réalisée en différents tons de roux et de rouge par Jules Chéret. Dans une vitrine sont rassemblés figurines et jouets présents dans les contes pour enfants et autres livres. C’est Tintin, dans Objectif lune, ou des personnages de Walt Disney. On remarque également une originale Vierge à l’Enfant roux, une faïence de Quimper.
L’abondante chevelure rousse semble une obsession chez Jean-Jacques Henner, tant dans sa peinture que dans les dessins. Abondants, les cheveux recouvrent souvent une partie du corps, comme un vêtement.
Au rez-de-chaussée, figurent quelques tableaux d’artistes qui ont éprouvé la même attirance pour cette couleur : Courbet, Degas, Munch ou encore Gustave Klimt.