Saint Pantaléon en majesté

Publié le 31/05/2024

Cette icône représentant saint Pantaléon, réalisée à Moscou vers 1909, d’après un dessin de l’architecte Vladimir Pokrovsky (1871-1931), a été adjugée 211 850 €

Crait-Müller

Non loin du campo S. Margherita, dans le quartier Dorsoduro à Venise, un large pont saute à la fois par-dessus le rio Nuovo et celui de la Cà Foscari et mène au campo S. Pantaleone, où se dresse une église, consacrée à ce médecin martyr qui vivait au IIIe siècle à Nicomédie – aujourd’hui Izmit, en Turquie, du temps de l’empereur Galère (vers 250-311). Les Vénitiens appréciaient beaucoup saint Pantaléon, ils l’aimaient à un tel point qu’on les surnomma un moment les Pantaloni. Or comme ils portaient une longue culotte collante, ce nom passa à ce vêtement. On n’en remarque aucun sur les jambes des personnages figurant dans l’étourdissant plafond en trompe-l’œil qui orne cette église. Le plafond a été réalisé entre 1684 et 1704 par Gian Antonio Fumiani (1645-1710). Plus de 900 m2 ont été nécessaires pour raconter son martyre et son apothéose, ce qui en fait la plus grande toile jamais réalisée.

L’histoire du martyr de Pantaléon est terrifiante. Les bourreaux de l’empereur Maximin n’ont pas lésiné face à cet homme qui guérissait les malades au nom du Christ, alors que ses propres praticiens échouaient. Il fut d’abord écorché avec des ongles de fer, puis on lui brûla les côtes avec des torches et on le jeta dans un chaudron de plomb fondu qui devint… froid ! On le précipita alors à la mer, mais les vagues le rendirent. On l’exposa aux bêtes féroces, mais celles-ci s’humilièrent à ses pieds. On l’attacha à une roue munie de pointes d’acier pour être poussé du haut de la montagne mais Dieu le détacha ! Maximin le fit fouetter et ordonna qu’il soit décapité. Mais l’épée devint si molle que le bourreau ne put s’exécuter. Pantaléon lui demanda lui-même alors de faire son office et sa tête tomba. Nous étions le 27 juillet 305.

Saint Pantaléon a souvent inspiré les peintres d’icônes. L’une d’elles (tempera sur bois, basma en vermeil à décor repoussé d’un semis d’écailles et de médaillons renfermant des végétaux, dans le style art nouveau, Moscou 1908-1917, maître orfèvre Khlebnikov, 45 x 36,5 cm, poids brut 3,58 kg), le représente, en revanche, dans une sainte splendeur, portant dans le pli de son bras gauche son attribut : une boîte de médecine. Elle a été réalisée à Moscou vers 1909, d’après un dessin de l’architecte Vladimir Pokrovsky (1871-1931), l’une des figures de proue du style néo-russe, qui s’est répandu au tournant du XXe siècle, et a été adjugée 211 850 €, à Drouot, le 26 avril 2024 par la maison Crait-Müller, assistée par la Galerie Royal Provenance. La basma (couverture en forme de cadre orné) en vermeil, au décor de style art nouveau, porte le poinçon du maître orfèvre Khlebnikov, fournisseur de la cour impériale. Pantaléon, dont l’Église d’Orient a très vite fait l’un de ses grands martyrs, a vu son culte traverser les siècles. Il est ainsi devenu l’une des figures emblématiques de la Russie tsariste et orthodoxe.

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