S’asseoir avec André Groult
Galerie Anne-Sophie Duval / BGF
À propos du décorateur André Groult (1884-1967), le critique d’art Guillaume Jeanneau (1887-1981) devait écrire en 1920 : « La déférence qu’il exprime aux chefs-d’œuvre anciens est intelligente, sincère et distante… » On classe ce créateur parmi ceux de l’Art Déco ; il était en réalité inclassable. S’il travailla toujours en dehors de tout groupe, y compris celui de l’Art Nouveau duquel il se démarqua en 1910, il conserva une parenté avec les formes baroques. Certains évoquent en les examinant tantôt les styles du XVIIIe siècle ou de la Restauration et même Louis-Philippe, qu’il considérait comme les derniers styles authentiquement français. Nous nous souvenons d’une paire de fauteuils gondole à haut dossier enveloppant à structure apparente en bois noirci et garniture de velours bleu cloutée (piètement sabre à l’arrière, 98 x 75 x 60 cm), vendu 18 000 € à Drouot, le 5 décembre 2016 par la maison Million.
André Groult produisit des meubles, toujours dans un esprit de luxe, avec des matériaux raffinés comme l’ébène de Macassar, le galuchat, le chagrin blond, l’écaille ou la laque, voire de la paille. L’une de ses créations, un guéridon à deux plateaux ornés de marqueterie de paille reposant sur quatre montants droits a été vendue 2 000 € en mars 2019 par la maison Gros Delettrez. Son œuvre la plus emblématique reste son Chiffonnier galbé anthropomorphe tout en courbes et contre-courbes, qu’il voulait, selon ses propres termes, « galbé jusqu’à l’indécence ». Réalisé en 1925, il est gainé de galuchat, les entrées de serrures et sabots en ivoire, il est toujours conservé au Musée des Arts Décoratifs à Paris.
Dans la catégorie très « rationnelle », on trouve le fauteuil corbeille créé en 1912. « Groult s’est inspiré d’une bergère gondole classique qu’il modernisa grâce au parti pris audacieux du dossier ajouré constitué d’élégants barreaux incurvés, » explique Anne-Sophie Duval, qui en proposait une paire lors de la FAB qui se tenait récemment au Grand Palais éphémère. Cette paire de sièges réalisés en acajou d’Afrique était affichée pour 80 000 €. Sur le stand de la galerie, un autre fauteuil dit « corbeille » également réalisé en acajou d’Afrique, mais au dossier non tapissé, ce qui lui donne un aspect encore plus élégant, était affiché 48 000 €. Une paire de fauteuils « corbeille » similaires a appartenu au collectionneur et mécène, Jacques Doucet.
André Goult qui avait épousé la sœur du couturier Paul Poiret, très lancé dans le monde de l’art et de la décoration, collabora avec ses amis Louis Süe et André Mare ainsi qu’avec l’artiste Marie Laurencin, le peintre d’Espagnat, Laprade, le ferronnier Brandt et le joaillier Raymond Templier. Certains de ses sièges sont garnis de tapisseries de Dufy ou de Capiello. Il confiait la réalisation de ses meubles à des ébénistes et plus particulièrement Adolphe Chanaux. Malgré l’énorme succès qui l’accompagna au long de sa carrière, il fut oublié à la fin de sa vie et, selon les dires de sa fille aînée, il mourut pauvre.
Galerie Anne-Sophie Duval, 5 Quai Malaquais, 75006 Paris
Référence : AJU011p9