Sororité, j’écris ton nom
Grasset
Le premier roman de Laetitia Colombani, La tresse, paru en 2017, a connu un succès retentissant en France, et nous avait particulièrement touché.
Nous étions donc impatients de découvrir son nouveau roman, Les victorieuses, publié aux éditions Grasset, et nous n’avons pas été déçus.
L’histoire commence dans le nouveau Palais de justice de Paris, place des Batignolles.
Solène est avocate, dédiée corps et âme à son métier et à ses clients. Quand l’un d’eux se jette du sixième étage à la fin d’une audience, Solène craque, littéralement. Impossible pour elle de remettre les pieds au cabinet, dans une salle d’audience… Tous les petits gestes du quotidien, deviennent une épreuve. Diagnostic : burn out !
Son psychiatre lui recommande de se tourner vers les autres, mais à quoi bon… C’est alors qu’une petite annonce attire son attention, pour un poste d’écrivain public dans une association.
Écrivain, finalement, c’est ce qu’elle avait toujours rêvé de faire ! Après quelques tergiversations, elle accepte au moins d’essayer. Sa mission ? Assister, aider, prendre la plume, pour faire entendre la voix des femmes qui résident au Palais des Femmes.
Cette arche de Noé, en plein Paris, recueille un grand nombre de femmes en perdition, de France ou d’ailleurs. Cette communauté hétéroclite de femmes vit ensemble, certaines d’entre elles se parlent, d’autres s’aident, d’autres encore se disputent voire s’ignorent…
Faire sa place dans ce milieu uniquement féminin ne sera pas facile pour Solène, mais au contact de Salma, Binta, Sumeya ou Renée, elle retrouvera l’estime de soi et la force de lutter et aider les autres.
Cette histoire contemporaine est racontée en parallèle avec la vie, un siècle plus tôt, de Blanche Peyron, membre de l’Armée du Salut, une vie de combats pour aider les plus démunis et qui sera notamment à l’origine de l’installation de ce Palais des Femmes dans lequel Solène reprendra goût à la vie.
Cette mise en parallèle de destins de femmes est la grande force de ce roman.
On aime le style simple mais efficace de l’auteur, son empathie pour ses personnages et cette force qui s’élève dans chacun des portraits de femmes, faisant raisonner en chaque lecteur une part infinie de bonté et qui touche tant les âmes. Une communauté que l’on approche grâce à l’auteur, qui s’est vraiment intéressée à la vie de ces centres pour femmes et qui décrit très bien la réalité de ces parcours de vies cabossées.
Que cela soit à Paris de nos jours ou en 1925, à Londres ou ailleurs, peu importe le parcours, les réussites ou les échecs, les mêmes combats malheureusement perdurent, et il existe des êtres qui dépassent les préjugés et les épreuves pour aider les autres.
Blanche, Solène, Salma ou Binta, femmes du monde, ont traversé des épreuves mais leur courage, leur pugnacité et l’envie de s’en sortir va créer autour de cette communauté une dimension cathartique, où les femmes peuvent trouver un refuge à l’abri de la violence et où entre femmes, un peu de compassion est la bienvenue.
Cette communauté de sœurs ou de cœurs se dresse sur les vestiges du couvent des Filles de la Croix, un signe s’il en fallait encore un qu’une communauté de femmes peut faire changer le monde…