Souffrances pour Délie
Cette édition originale de 1544, reliée en maroquin doublé par Gruel est affichée 75 000 €
Librairie Benoît Forgeot
Quel poète ose prendre comme devise « Souffrir non souffrir » sinon Maurice Scève (vers 1505-1569), qui découvrit le tombeau de Laure. Cette muse de Pétrarque, que serait Laure de Sade (1310-348), fut l’inspiratrice du Canzoniere, c’est-à-dire le chansonnier en italien. Cette œuvre « se présente tantôt comme une élégie passionnée, tantôt comme une confession des états d’âme du poète », expliquent les critiques littéraires. Toujours est-il que Maurice Scève se sentit proche de Pétrarque et, s’il ne l’imita pas réellement, composa Délie : Objet de plus haulte vertu, comprenant 449 dizains dédiés à une femme réelle, mais insaisissable. Un exemplaire, grand de marge, de l’édition originale de cet ouvrage (Lyon, Sulpice Sabon pour Antoine Constantin, 1544), relié par Gruel en maroquin doublé bleu nuit, orné d’un décor argenté, a été présenté lors de la FAB du Grand Palais éphémère par la librairie Benoît Forgeot, au prix de 75 000 €. Cette édition est illustrée d’une suite de 50 vignettes gravées sur bois en premier tirage. Celles-ci sont entourées de décors grotesques.
Parmi les nombreuses rééditions de Délie, la seconde (Paris, pour Gilles Robinot, 1564), est également sortie sans nom d’auteur. Les dizains y sont accompagnés de 50 figures d’emblèmes gravées sur bois, différentes de celles de l’édition de 1544. Au verso se trouve le portrait de Maurice Scève, également gravé sur bois. Un exemplaire relié par Koehler en maroquin vert orné a été vendu 23 400 €, à Drouot, le 24 novembre 2023 par la Maison Ferri & Associés. Une autre édition de même date, publiée chez Nicolas du Chemin, ne diffère que par la marque typographique du titre, et à la fin de la table des dizains, par un huitain.
Cette œuvre fut écrite entre 1525 et 1543, et publiée quasi anonymement. Seuls un portrait, placé au verso du deuxième feuillet liminaire et les initiales de Maurice Scève y figurent. Délie, la femme aimée d’un amour impossible, est identifiée comme Pernette du Guillet (vers 1520-1545). On sait qu’elle rencontra Maurice Scève au printemps 1538 et devint son élève. Leur amour impossible devint la source d’inspiration de ses poèmes, publiés de façon posthume, à la demande de son mari en 1545, sous le titre Rymes de gentille et vertueuse dame, Pernette du Guillet (Lyon, Jean de Tournes). On rencontre principalement dans les catalogues une édition du XIXe siècle copiée sur cette édition de 1545 : Lyon, Perrin, 1830, tirée à 100 exemplaires. L’un d’eux relié récemment en demi-chagrin havane à coins, dos à nerfs, a été vendu 120 € à Lyon, le 1er décembre 2022 par la maison De Baecque ; un autre dans un cartonnage à la Bradel (usé), a été vendu 40 € à Drouot, le 23 juin 2023 par la maison Mirabaud-Mercier.
Infos pratiques
Librairie Benoît Forgeot
4 rue de l’Odéon
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Tél. : 01 42 84 00 00
Référence : AJU011s5
