Sur les traces de l’empereur

Publié le 15/11/2017

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Le soleil aveuglant du Var, des manchots empereurs, une armoire normande, de l’eau préhistorique, des expériences soviétiques, voilà autant d’ingrédients composant l’étonnante recette de l’ouvrage de Joël Baqué, La fonte des glaces.

Auteur de plusieurs œuvres déjà chez P.O.L., Joël Baqué nous embarque dans un road trip hallucinant et halluciné, sur les traces d’un grand-père, écologiste malgré lui, devenu icône des réseaux sociaux, défendant la cause des manchots empereurs.

La fonte des glaces s’ouvre sous les rayons éclatants du soleil du Sud, à Toulon, où vit Louis, boucher-charcutier à la retraite, dont la femme Lise est décédée plusieurs années plus tôt. Louis est une personne âgée tout ce qu’il y a de plus ordinaire, accomplissant sa routine quotidienne, dans une solitude un peu accablante. Café du matin à la terrasse de son troquet, lecture du journal, le temps que les lentes aiguilles de l’horloge signalent le déjeuner, second café, observation du port depuis un petit banc, puis attente du coucher.

En digne fils d’un comptable assez morne et renfrogné, Louis n’a eu d’éclat de folie qu’à l’adolescence, pendant la courte période où, se faisant appeler Fuck Dog Louis, il déclamait des raps enflammés à sa conquête de l’époque, Chantal Garage.

Pendant ses années de travail, Louis a été passionné par son activité, partageant cet amour de la charcuterie avec sa femme, tellement émoustillés par le domaine que la proximité avec la trancheuse à jambon, une Clinancourt trois vitesses, les poussait aussitôt au vice.

Puis, la mort de sa femme, la retraite, ont poussé Louis dans ses retranchements et dans une vie monacale qui le laissa profondément seul.

Jusqu’au jour où il tombe nez à nez avec ce qui va devenir sa nouvelle passion : au fond d’une armoire normande, dans les allées bondées d’un vide-grenier dominical, un manchot empereur se tient là. Il va faire chavirer la vie de Louis. Hypnotisé, il emporte l’animal chez lui, où il recrée dans son grenier, un véritable grenier-banquise, où il installera le premier manchot empereur, puis le reste de sa collection, rebaptisée Dream Team, qu’il étoffera au fil du temps.

L’acquisition de l’animal n’est que le début de l’épopée rocambolesque de Louis, qui, mû par sa nouvelle passion, son nouvel amour pourrait-on dire, tant le sentiment est fort et le fait sortir de lui-même, le mène en Antarctique, à la recherche d’une vraie colonie de manchots empereurs.

De fil en aiguille, Louis continuera son voyage depuis les étendues neigeuses de l’Antarctique jusqu’au milieu des mers glacées, fricotant avec des chasseurs d’icebergs au Canada, où un mal étrange s’emparera de presque tout l’équipage du navire, ameutant les médias du monde entier, faisant de Louis et de ses acolytes, le centre de l’attention des réseaux sociaux et d’internet.

Joël Baqué nous plonge avec un humour complètement décalé dans l’épopée d’un vieil Indiana Jones, devenu aventurier contre son gré. La drôlerie du texte enveloppe joliment le thème plus délicat de la solitude et de l’ennui chez les personnes âgées et redonne un second souffle à cette partie de la vie souvent, à tort, appelée fin de vie.

Au final, c’est un texte doux, parfois engagé, souvent terriblement amusant que nous offre Joël Baqué, et l’on marche avec nos Moonboots dans les traces laissées par Louis et sa Dream Team !

LPA 15 Nov. 2017, n° 130x7, p.23

Référence : LPA 15 Nov. 2017, n° 130x7, p.23

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