Tillier parfait pamphlétaire
Portrait extrait et découpé des Œuvres de C. Tillier, tome premier, Sionest, Nevers, 1846
« Quiconque n’a pas lu Mon Oncle Benjamin ne peut se dire de mes amis », a lancé, en 1967, Georges Brassens au cours d’une émission de télévision. Connaissant le poète-chanteur un brin anarchiste, on n’est pas surpris qu’il considérât ce roman satirique comme étant son préféré. Le succès du film qu’en a tiré Édouard Molinaro en 1969, avec comme interprètes Jacques Brel et Claude Jade, est à l’aune de l’impertinence et de la philosophie entretenue par le personnage principal. L’auteur de Mon Oncle Benjamin, Claude Tillier (1801-1844), eut lui-même quelque peine à se fixer. Contraint d’enseigner pour se nourrir, il collectionna les écoles et collèges, qu’il quittait faute de supporter leurs obligations, jusqu’à créer sa propre école. Ce qui ne dura pas… Finalement, installé à Nevers en 1841, il créa L’Association, journal démocratique paraissant deux fois par semaine, jusqu’à sa disparition en mai 1843. C’est dans cette revue qu’il publia son roman en feuilleton, entre le 6 mars et le 14 décembre 1842, dont l’édition originale remaniée sortit l’année suivante à Paris chez Coquebert. On ne rencontre guère cette édition originale dans les ventes, au contraire des quelques éditions illustrées au cours du vingtième siècle. On préférera celle illustrée d’un portrait-frontispice et de 42 dessins de Sahib gravés sur bois par Prunaire (Paris, Conquet, 1881). Un des 50 de tête sur Japon blanc, contenant les illustrations dont celles des couvertures en double état, relié par V. Champs, à la bradel en demi-maroquin fauve avec coins, a été adjugé 126 €, à Drouot, le 8 avril 2022 par la maison Giquello.
En mai 1843, se souvenant d’avoir publié en 1831, dans L’indépendant de Clamecy, un premier libelle qui lui valut huit jours de prison, « il entreprit par la grâce d’un escadron de souscripteurs une première série des vingt-quatre pamphlets, sans trop savoir d’ailleurs sur quoi il allait pamphléter, d’où le titre retenu De Choses et d’autres », comme le raconte le libraire, Pierre Saunier. Ses cibles étaient toutefois toutes trouvées : les notables de Nevers et du département.
Les tirages des brochures montèrent assez vite et d’une centaine d’exemplaires on passa à deux puis trois et même à cinq. Fort de ce succès, Tillier promit à ses abonnés une seconde série de 12 pamphlets dont il ne devait pas voir achever la publication, car il mourut le 12 octobre 1844 avant l’impression du troisième pamphlet. L’imprimeur qui avait en main les manuscrits des quatre suivants en poursuivit l’édition jusqu’au septième et puisa dans les vieux numéros de L’Association (de 1840 et 1841), de quoi aller jusqu’à 12. Cette année, la librairie Saunier proposait lors du Salon des Livres rares, en éditions originales et collection complète les 36 pamphlets de Claude Tillier, publiés en deux séries de juillet 1843 à novembre 1844, ceci au prix de 8 000 €.
Librairie Pierre Saunier, 22 rue de Savoie, 75006, Paris
Référence : AJU010x5