Toutes les femmes, rien que des femmes

Publié le 04/10/2023

Cet exemplaire aux armes du Tsar Paul Ier était affiché 15 000 €

Camille Sourget

« On lit dans Les Trois Siècles de M. l’Abbé Sabatier, que M. l’Abbé de La Porte débuta dans la carrière des Lettres, par des journaux et d’autres ouvrages et de critiques… », notait l’auteur anonyme de la Nouvelle Bibliothèque d’un homme de goût, ou Tableau de la… (Paris, rue Saint-Jacques, 1777). Auteur anonyme qui était en réalité… Joseph de La Porte lui-même, expliquant ensuite qu’il avait renoncé à la critique dans « la crainte d’être forcé de louer des ouvrages faibles ou de s’attirer des ennemis en les appréciant à leur juste valeur ».

On n’est jamais mieux servi que par soi-même, d’autant que l’on est un père jésuite. Joseph de La Porte (1714-1779) a tout de même laissé vingt-cinq ouvrages. Il débuta par une Pastorale sur le mariage du prince de Soubise, publiée en 1741. Elle fut très louée par la compagnie de Jésus, chez qui il demeurera 15 ans. Sa comédie de L’Antiquaire, parue à Paris, en 1749, n’a pu être jouée sur aucun théâtre de la capitale. Il abandonna ce genre. Fréron, le fameux Élie Fréron (1718-1776), ennemi juré de Voltaire, employa La Porte dans l’Année littéraire, qui dura de 1754 à 1776. Mais La Porte se brouilla avec Fréron, et se lança véritablement dans la composition d’un grand nombre d’ouvrages divers et de compilation.

Parmi ceux-là, une Histoire littéraire des femmes françoises, ou Lettres historiques et critiques contenant un précis de la vie et une analyse raisonnée des ouvrages des femmes qui se sont distinguées dans la littérature françoise, par une Société de Gens de Lettres (Paris, Lacombe, 1769), écrit en collaboration avec J. de Lacroix. Elle est ornée d’un élégant frontispice dessiné par de Sève, gravé par Prévost, figurant l’allégorie des arts et les trois grâces. La librairie Camille Sourget en proposait à 15 000 € un exemplaire au Salon du livre rare, relié en maroquin rouge orné d’une guirlande dorée autour des plats, aux armes de Paul Ier, Tsar de Russie, et de sa seconde épouse, Sophie Dorothée de Wurtemberg, appelée en Russie, Maria Feodorovna.

Cet ouvrage, que l’on peut considérer comme l’un des premiers féministes publiés au siècle des Lumières, avait, selon son auteur, pour but de faire « voir ce que peut une femme dans la carrière des sciences, lorsqu’elle sait se mettre au-dessus du préjugé qui lui défend d’orner son esprit et de perfectionner sa raison. » Cette anthologie débute avec l’œuvre d’Héloïse (vers 1092-1164), qui fut la première écrivaine à affirmer et définir la spécificité du désir féminin, et s’achève sous le règne de Louis XIV, avec, notamment, Mlle de Scudéry, Ninon de Lenclos, Mme de La Fayette et Mme de Sévigné. Si La Porte vivait encore aujourd’hui, il aurait à ajouter d’innombrables tomes afin d’être à jour dans l’histoire littéraire des femmes !

Librairie Camille Sourget, 93, rue de Seine, 75006, Paris

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