Trois femmes puissantes
Tisser, lier, nouer…
Que peuvent avoir en commun trois femmes qui vivent chacune à des milliers de kilomètres, dont l’histoire personnelle va, par un fil ténu, nous prouver que ces femmes courageuses, sont toutes des combattantes du quotidien, qu’elles sont, comme nous, universelles ?
Lætitia Colombani, noue ce lien.
Smita, en Inde, dans un petit village de l’Uttar Pradesh, est une Intouchable, victime de son destin, son darma, ou de sa généalogie… Dans un pays moderne qui sera bientôt le plus peuplé au monde, ce pays toujours en phase de développement, elle est une scavenger ou « extracteur », mot bien trop propre pour dire tout simplement qu’elle ramasse les excréments des gens de son village. Mais de ce destin, elle n’en veut plus, non pas pour elle, mais pour sa fille de 6 ans qui, sinon, finira comme elle…
Giulia, la Sicilienne, a 20 ans. Elle est jeune et belle. Une jeune fille de son temps même si elle préfère la lecture aux sorties des jeunes de son âge. Giulia travaille avec son père dans son atelier. Mais quand le padre est victime d’un accident, et qu’elle découvre la faillite de l’entreprise familiale elle va enfin grandir, s’émanciper. La jeune fille qui se laissait porter par les événements va se révéler à elle-même et aux autres.
Enfin, Sarah, l’avocate canadienne qui vit à Montréal, est peut-être encore plus proche de nous.Elle nous parle de sa réussite au sein d’un prestigieux cabinet d’avocats, de sa famille recomposée, si belle et si joyeuse, de son statut, de sa carrière, certes de ses sacrifices mais si peu en comparaison de ce CV si brillant : working girl, it girl, wonder woman…
Le destin de ces trois femmes nous touche indépendamment les unes des autres mais c’est là la force de Lætitia Colombani. Dans un style simple et efficace, elle nous fait traverser les continents et nous dévoile les rêves et ambitions de chacune qui, par la tradition, la famille ou la maladie, n’était pas née pour être actrice de sa vie.
Leurs destins sont tracés mais parce qu’elles sont Elle, unique et fière, elles vont renverser le cours des choses…
Reprendre et continuer…
Ce récit entre ces trois univers est interrompu par une fable, un dialogue…
L’écheveau se tisse. D’abord, régulièrement, on passe de Smita à Giula et à Sarah/Smita, Giula et Sarah et puis tout s’accélère, se mêle, s’emmêle, les sens sont à l’affut, le destin est en marche.
Elles sont trois comme il faut trois fils, trois brins pour faire une tresse…
En Inde, on ressent la chaleur et cette foule ; cette foule, la faim aussi et la misère. En Sicile, les souvenirs sont émaillés de références cinématographiques et de clichés sur la famille italienne, la mère qui veille, et les sœurs inconséquentes, mais c’est l’étranger qui, au détour d’une ruelle, réveille Giulia et tous ses sens… À Montréal, l’univers est aseptisé, froid et glacial, des anglicismes avant que tout ne bascule.
Mais sans ce destin, sans cette faillite, sans ce cancer, ces femmes nous parleraient-elles toutes autant… ?
Parce que pouvoir faire des choix est toujours une chance dans un pays où les droits essentiels sont bafoués, où l’honneur et la réputation pour ces trois femmes ont un sens et pour que, jour après jour, elles puissent marcher la tête haute, il faut prendre des risques, changer, évoluer, grandir.
Les figures masculines ne sont pas absentes du roman mais leurs portraits ne sont pas flatteurs, entre un mari faible, un père menteur et un patron omniscient, seul l’amant étranger est annonciateur du changement opéré…
Cette fable des temps modernes nous rappelle, si on en avait encore besoin, que certes aujourd’hui être une femme libre est un choix difficile à assumer mais que la plus certaine de nos richesses est peut-être celle de faire partie de cette communauté de femmes libres et puissantes.