Un catalogue imprimé in-folio
Jean-Baptiste Tenant de Latour (1779-1862) fut nommé en 1846 bibliothécaire du roi Louis-Philippe Ier, au palais de Compiègne. La somme de ses connaissances a été réunie dans ses Mémoires d’un bibliophile, parues en 1861. Cet ouvrage se présente sous forme de lettres à une femme bibliophile (la comtesse de Ranc… [Le Masson de Rancé]), et se compose de nombreuses réflexions sur la bibliophilie, les écrivains et le monde des lettres. Nous poursuivons la publication de la Lettre XIII consacrée à « De Boze ».
Ryan
« De Boze avait donc un magnifique cabinet de livres. La section de l’histoire y était peut-être la plus remarquable ; mais aucune autre n’avait été décidément sacrifiée à celle-ci, et l’ensemble de cette riche bibliothèque montrait, dès le premier coup d’œil, la main d’un bibliographe sérieux, recherchant le véritable mérite des livres avant de tenir compte de leur rareté, car on y trouvait, à côté de tel ouvrage estimé trois et quatre mille francs, un bon nombre d’excellents livres du plus modeste prix. Cependant tout ce qui composait cette bibliothèque était généralement d’une grande valeur. De Boze n’admettait pas dans son cabinet d’éditions médiocres. Sans donner précisément dans le luxe exagéré des reliures, il voulait qu’elles fussent toujours en rapport avec le mérite des ouvrages auxquels on les appliquait. Le maroquin y était la couverture dominante. Enfin, les livres de M. de Boze avaient tous l’inestimable avantage d’un admirable état de conservation, qualité qui, comme chacun sait, fait passer un volume du prix le plus humble à un prix souvent élevé.
De Boze, on le pense bien, jouissait de ses livres non pas comme ces hommes de lettres dont j’ai déjà parlé ailleurs, et seulement pour aider à ses savants travaux, mais en connaisseur passionné, en ardent bibliophile. Aussi avait-il parmi ses collections tout ce que présentait déjà de plus marquant la science bibliographique, à une époque où nos Debure, nos Barbier, nos Brunet, n’avaient pas encore paru. Ce fut pour céder à ce charme d’heureuse possession de tant de trésors qu’il fit rédiger sous sa direction personnelle, en 1745, le catalogue de sa bibliothèque, par le célèbre bibliographe Boudot, Jean (1685-1754), le fils de celui dans le dictionnaire duquel nous avons tous appris le latin. C’est là le dernier acte où nous voyons de Boze agir personnellement dans les choses de l’amateur de livres ; mais c’est précisément à partir de ce moment-là que son nom prend dans ces matières la place qu’il y a toujours gardée depuis. Ce catalogue de 1745, le plus notable peut-être de tous ceux qu’on doit à Boudot, fut imprimé in-folio à l’imprimerie royale, et tiré seulement à 25 exemplaires ; aussi prit-il dès l’origine un rang distingué dans les premières bibliothèques de l’époque. » (À suivre)
Référence : AJU014d7