Un éperon d’or pour les artistes
Ce portrait à l’éperon d’or attribué à Joseph-Siffred Duplessis a été adjugé 6 000 €
Coutau-Bégarie
Le portrait en buste d’un gentilhomme vêtu d’un habit vert galonné d’or, la main gauche appuyée sur une canne, daté de 1770, attribué à Joseph-Siffred Duplessis (1725-1802), a été adjugé 6 000 € à Drouot, le 27 octobre 2023 par la maison Coutau-Bégarie. Ce n’est pas tant la canne en bois teinté de rouge et orné de lanières grises qui nous intéresse dans ce portrait que la décoration agrafée à l’habit. On la distingue à peine. Elle est appendue à un ruban rouge. Le bijou en or non émaillé est une croix à huit pointes finissant par un éperon.
Les spécialistes et les amateurs auront reconnu l’ordre de l’éperon d’or (Ordine dello Speron d’oro), l’une des plus anciennes marques de faveur accordée par le Saint-Siège à ceux dont il souhaitait récompenser les services extraordinaires. On le connaît encore sous le vocable d’Ordre de la Milice Dorée (Ordine della Miliza Aurata). Cette distinction n’est pas à proprement parler un ordre de chevalerie, mais davantage une récompense honorifique. Selon les historiens, il aurait été fondé par l’empereur romain, Constantin (272-337), sans idée naturellement de décoration. Dominique Henneresse, auteur d’une extraordinaire et monumentale histoire des Ordres et décorations du Saint-Siège (Libreria Editrice Vaticana, 2019), rapporte que l’empereur aurait reçu son insigne des mains du pape Sylvestre 1er (314-335). Cette distinction, à laquelle fut attaché le titre de comte Palatin, connut durant la période médiévale un tel éclat que plusieurs cours la décernèrent avec l’autorisation du souverain pontife. « La reconnaissance des familles bénéficiaires venait alimenter les caisses du Saint-Siège », précise Dominique Henneresse. Le pape Paul IV aurait créé en 1559 cent chevaliers de la Milice dorée, un événement si considérable que de nombreux auteurs marquent cette date comme celle de la création « moderne » de l’ordre. Sa renommée augmenta aux XVIIe et XVIIIe siècles. C’est à cette période que les artistes au service du pape furent davantage distingués, comme les sculpteurs, les musiciens, les officiers, etc. On compte parmi eux, notamment Piranese, Valadier, Mengs, Mozart, Gluck, et d’autres. Le personnage du portrait, non identifié, pourrait être Alexandre-François-Ignace de Brandt (1726-1776), Pierre Rivalz (1720-1785), Jean-François Rousseau, dit « Rousseau de Perse » (1738-1808), Guillaume Antoine Hippolyte Pigault de La Mélatière (1726-1797).
Le bijou qu’il porte est entièrement doré, ce qui n’était pas toujours les cas. Vers le milieu du XVIIIe siècle, on vit apparaître des croix émaillées de blanc, cantonnée de fleurs de lys. Ce qui entraîna une confusion avec les insignes de l’ordre de Malte. Le pape Benoît XIV publia à ce propos une mise en garde qui décréta que la croix octogonale ne serait pas « recouverte de peinture blanche, mais simplement en or avec une petite chaîne, à laquelle pendra aussi l’Éperon d’or. » Il existe néanmoins plusieurs variantes dans la présentation des bijoux ; Dominique Henneresse en a identifié cinq. C’est ainsi que l’ordre fut réorganisé en 1841 par Grégoire XVI.
Coutau-Bégarie, 60 avenue de la Bourdonnais, 75007 Paris
Référence : AJU011l9