Un exemplaire surchargé de corrections

Publié le 24/08/2022

Sacher/AdobeStock

Jean-Baptiste Tenant de Latour (1779-1862) est qualifié, dans les dictionnaires, de bibliographe français. En 1846, il fut nommé bibliothécaire du roi Louis-Philippe Ier, au palais de Compiègne. Une charge qui était justifiée. La somme de ses connaissances a été réunie dans ses Mémoires d’un bibliophile, ouvrage paru en 1861. Ce livre se présente sous forme de lettres à une femme bibliophile (« la comtesse de Ranc… » [Le Masson de Rancé]), et se compose de nombreuses réflexions sur la bibliophilie, les écrivains et le monde des Lettres. Nous reprenons cet été la publication de la Lettre XI consacrée au « Cabinet de M. Turgot ». BGF

« Bien que j’aie dit assez souvent qu’en faisant cas des raretés qu’on a la chance de rencontrer, je n’estime pas toujours beaucoup celles qu’on peut confectionner soi-même, j’ai la traduction du chancelier de Marillac dans la délicieuse édition donnée par M. de Sacy, chez Techener, double garantie d’une excellente publication ; je l’ai surtout comme adoption d’une des plus grandes autorités de ce temps-ci en matière de goût. Aussi c’est bien parce que je m’en rapporte plus à M. de Sacy qu’à moi-même que je préfère cette traduction même à mon ancienne favorite, celle du père Lallemant. Enfin je prévois que ce sera celle-là qu’on désignera désormais dans le monde chrétien comme dans le monde des lettres par le titre de Traduction de Sacy.

Cela dit, je passe aux œuvres purement littéraires en commençant par les traductions d’ouvrages didactiques. La Rhétorique d’Aristote traduite par Cassandre, cette traduction annoncée dans une des premières préfaces de Boileau avec de grands éloges qui déjà étaient peu dans ses mœurs. Mon exemplaire (édition d’Amsterdam, 1733) offre une des premières et cependant une des belles reliures de feu Simier ; c’est un véritable livre d’amateur ; la traduction de l’Institution de l’orateur de Quintilien, œuvre si estimable de Gédoyn ; un de ces livres dont j’ai parlé comme portant la signature de l’abbé de Lamennais ; la Poétique d’Aristote, traduction de Dacier, beau volume in-12, relié en collection avec la Rhétorique et par le même relieur ; la traduction d‘Homère, du prince Lebrun, où le grand poète grec n’a pas été tout à fait aussi heureusement senti que l’avait été un peu auparavant le grand poète italien par cet homme illustre, cet homme de bien d’un si vrai talent ; celle de La Valterie, Barbin (1682), singulière à certains égards malgré l’euphonie de la phrase, mais édition recherchée à cause des gravures de Schoonebeck.

J’ai la traduction d’Hésiode, en vers, et celle des Géorgiques de Virgile, par Le Franc de Pompignan ; Les Odes d’Anacréon, traduites aussi en vers par Lafosse, l’auteur plus heureux de Manlius ; une Imitation d’Anacréon par Mérard Saint-Just, exemplaire chargé, surchargé de corrections autographes pour une édition nouvelle de ce faible travail ». (À suivre)

Plan
X