Un mage hostile à la magie
On s’est posé beaucoup de questions à propos d’Henri-Corneille Agrippa (1486-1535). Selon les dictionnaires, « il avait au moins quatre facettes, pas forcément conciliables, celle d’un féministe, celle d’un mage, celle d’un alchimiste, celle d’un sceptique, sans parler de ses fonctions de médecin, d’historiographe, de conseiller, de ses activités de milicien, d’astrologue, de pédagogue. » Son nom véritable était Cornelis, il y joignit Agrippa, tiré de Colonia Agrippina comme on appelait autrefois la ville de Cologne où il naquit. Il y ajouta ab Nettesheim, ce qui donne en latin, avec le nom de baptême, Henricus Cornelius Agrippa ab Nettesheim. Il était docteur ès-lettres et docteur en médecine de Cologne-sur-le-Rhin. Il voyagea ensuite dans toute l’Europe (France, Espagne, Angleterre, Allemagne, Italie, et Suisse) en tant que soldat, médecin et enseignant.
L’un de ses derniers ouvrages, Déclamation sur l’incertitude, vanité et abus des sciences. (S.l. [Genève], Jean Durand, 1582. In-8), le montre hostile à la magie. Comme s’il renonçait à toutes ses réflexions ou passions antérieures, il réfute la puissance de la raison humaine, et assure qu’il y a des erreurs dans la Bible. Il vilipende même les moines et les souverains pontifes qu’il qualifie de méchants. On ne s’étonnera pas que cet ouvrage ait été mis à l’Index. Un exemplaire de cette édition originale, auquel on a ajouté au XVIe siècle un portrait gravé sur bois, relié au XIXe siècle par Trautz-Bauzonnet, en maroquin rouge janséniste, sera mis vente, le 22 novembre 2024 à Drouot, par la maison Ferri avec une estimation de 1 500/ 1 800 €, lors de la dispersion de la troisième partie de la bibliothèque Marcel Lecomte. Il a autrefois appartenu à Raoul Léonor comte de Lignerolles (1817-1893), grand bibliophile qui vendit sa bibliothèque en 1884 et à Maurice Méric (ex-libris) membre des Cent Bibliophiles.
Selon l’expert de la vente, « cet ouvrage constitue un excellent manuel de contre-culture ésotérique, dont les 103 chapitres évoquent la grammaire, la rhétorique, la géomancie, la musique, la danse, la peinture, l’architecture, l’agriculture, la pêche, la chasse, l’art militaire, la cuisine, la chiromancie, la magie naturelle, la magie des poisons, la cabale, la philosophie morale, l’alchimie, l’inquisition, etc. » Nous sommes loin de son premier opus, écrit en l’honneur de Marguerite de Bourgogne : De la noblesse et préexcellence du sexe féminin. Celui-là écrit en 1509 ne fut publié qu’en 1529 à Anvers. Le libraire Galliot du Pré en publia l’année suivante une première traduction en français. On dit que cet ouvrage se caractérise par « un enthousiasme mystique pour la féminité, une féminité nullement éthérée, mais incarnée dans un corps mystérieux et attirant ». Son œuvre la plus connue quoique la plus critiquée est De occulta philosophia, dont la première version date de 1510. Les trois tomes s’ajoutèrent dans les éditions suivantes de 1531 et 1533. Le quatrième tome réuni en 1565, est considéré comme apocryphe. Il en est ainsi des mages.
Référence : AJU016a1