Paris (75)

Un « mérite » pour les gardes suisses

Publié le 30/06/2023

Ce diplôme de nomination du « Mérite  militaire », décerné en 1760, a été adjugé 1 792 €

Ader, maison de ventes

Louis XIV, comprenant la nécessité de récompenser les officiers de ses armées, créa à Versailles, le 5 avril 1693, l’ordre royal de Saint-Louis. Celui-ci était à la fois militaire, national, dynastique et religieux, et fut le premier ordre de chevalerie uniquement institué pour être « la récompense et la marque de la valeur, des services et des talents militaires en faveur des officiers de ses troupes ». Pour être admis, il fallait avoir servi pendant dix années, durée rapidement portée à vingt années, en qualité d’officier. C’était une révolution. Les officiers pouvaient porter sur leur habit, à l’instar des princes, une décoration. Un seul hiatus : les officiers de confession protestante ne pouvaient être admis dans cet ordre. Il ne faut pas oublier que la religion catholique était une religion d’État, et que les sujets étrangers, qui plus est protestants, ne pouvaient pas prêter serment à un souverain qui n’était pas le leur.

Au début du XVIIIe siècle, l’armée française était constituée d’une vingtaine de régiments étrangers, dont un suédois, neuf allemands, dix helvétiques, ainsi que du célèbre régiment des gardes suisses. La grande majorité des officiers étrangers qui encadraient ces régiments était de confession protestante. Ils ne pouvaient donc être récompensés pour leur bravoure, leur action d’éclat ou tout simplement leur ancienneté. Au milieu du XVIIIe siècle, le lieutenant-général Maurice de Courten, officier suisse et catholique, lança l’idée de la création d’une distinction qui serait réservée aux officiers étrangers protestants. C’est ainsi que le Roi Louis XV signa, le 10 mars 1759, une ordonnance créant l’Institution du Mérite militaire à destination des officiers étrangers.

Un exemplaire du cahier imprimé de six pages, comportant les dix articles réglementant l’ordre, intitulé : Ordonnance du Roi portant création d’un établissement sous le titre du Mérite militaire (Imprimerie royale, 1759), a été adjugé 230 €, salle Favart, le 2 juin 2023 par la maison Ader, assistée par Jean-Claude Dey et Arnaud de Gouvion-Saint-Cyr. On remarque que cette nouvelle décoration, bien que calquée sur les statuts de l’ordre de Saint-Louis, n’est pas un ordre. Elle fut nommée simplement à l’origine « Mérite militaire », le qualificatif « Institution » ne fut imposé qu’à partir de 1784. Les récipiendaires n’étaient plus tenus d’appartenir à la religion d’État catholique et de prêter serment au souverain. Si la croix était semblable à celle de Saint-Louis, avec toutefois un médaillon central différent, le ruban était de couleur bleue.

Comme pour illustrer ce règlement, un Brevet de chevalier de l’ordre du mérite militaire au nom de Jean-Étienne d’Entaud, capitaine commandant au régiment de Jenner (régiment suisse au service du roi de France), fait à Versailles le 4 avril 1760, et signé « Louis » et « Boyer », a été vendu 1 792 € au cours de la même vacation. Le prestige de ces deux décorations était tel qu’au moment de la Révolution, elles furent réunies en une seule et même distinction : la « Décoration militaire ». Cela ne dura pas longtemps, puisqu’elle fut supprimée lors de l’abolition de la royauté en 1792. Mais le prestige demeure !

Ader, 3 rue Favart, 75002 Paris

Plan