Un Platon pas si merveilleux
Cet exemplaire de la deuxième édition (1491) des Œuvres de Platon traduites du grec en latin a été adjugé 17 000 €
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Dans son roman Cordelia ou l’Angleterre (1979), Pierre-Jean Rémy raconte la visite d’une librairie, par son héroïne accompagnée d’un expert en livres anciens. Ces deux personnages voient dans une salle voûtée deux livres simplement disposés sur une table. « Il n’était nullement besoin d’être expert pour se rendre compte que les deux livres […] étaient ceux-là mêmes, que, toute une vie, un bibliophile peut rêver en vain de trouver sur les rayons d’une librairie. […] Le texte, l’impression, la reliure : tout était à la mesure des espoirs les plus fous, les plus insensés des bibliomaniaques ». Le romancier n’en dit pas plus. Nous lui avions demandé s’il pouvait nous révéler quels étaient ces livres. Il avait souri sans répondre. Une manière de nous laisser le choix de nos désirs.
Pierre Assouline se montre plus précis dans son dernier roman, Le paquebot (2022). Le narrateur est libraire d’ancien. Au cours d’une escale à Shangaï, il acquiert un volume dont on ne sait pas encore duquel il s’agit : « Je sortis la chose de ma sacoche, un grand et gros livre, retirai la peau de chamois qui l’enveloppait […] Je vous présente la huitième merveille du monde : Opera de Platon, tout simplement. Rien moins que son œuvre complète en un seul volume de cinq cent soixante-deux pages, les dialogues, les définitions et les lettres […] ». Pierre Assouline apporte ensuite des précisions supplémentaires : « L’édition de 1484 imprimée à Florence par Lorenzo de Alopa, et en partie par les religieuses du couvent San Jacopo di Ripoli, deux colonnes par page. La première jamais publiée de son œuvre complète, dans la traduction [du grec en latin] de Marsilio Ficino, sous l’égide de Cosme de Médicis ». Ce traducteur, que l’on appelle également Marsile Ficin (1433-1499), fut l’un des principaux philosophes de la première Renaissance italienne.
Le titre complet de cet ouvrage se lit ainsi dans les bibliographies : Platonis opera, latine, interprete Ficino. Inpressum Florentze per Laurentium uenetum (absque anno), 2 part. en 1 vol. in-fol. goth. Cette édition a débuté en 1483, contient en tout 460 feuillets à 2 colonnes de 46 lignes. Brunet dit que « cette impression est assez incorrecte, mais cependant assez recherchée car les exemplaires complets sont assez rares ». Marsile Ficin n’en fut pas satisfait et revint sur l’ouvrage en 1491, en y ajoutant nombre de corrections. Il fut le premier à réaliser une synthèse entre le christianisme et la philosophie de Platon, conception sujette à controverse. Cet ouvrage fondateur ouvrira la voie à la philosophie dite « néo-platonicienne ». Le dernier exemplaire de cette deuxième édition passé en vente, dans une reliure XIXe siècle. Dans le goût du XVIIIe siècle, en pleine basane fauve mouchetée, dos à 5 nerfs, a été adjugé 17 000 €, à Drouot, le 9 avril 2014 par la Maison kâ-Mondo. Il se distingue encore grâce à un encadrement enluminé de la première page de texte, et par 17 grandes lettrines enluminées dont une lettre à l’or et entrelacs d’encre mauve ; de 17 lettrines peintes à l’or ; et de 456 lettrines peintes en bleu ou rouge.
• À noter, le Salon international du Livre rare & des Arts graphiques qui se déroulera du 23 au 25 septembre 2022, au Grand palais éphémère, sur le Champ-de-Mars
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Référence : AJU006d0