Un renard dans un tableau de pierre

Publié le 25/03/2024

Cette plaque, qui provient de l’Atelier royal de marqueterie de pierres dures des Gobelins, aux armes de Louis XIV, a été adjugée 459 200 €

Tajan

« Le renard ne sent pas sa propre odeur », dit-on. Cela vaut mieux, car il se fuirait. Cet animal élégant, mais brutal, est l’un des personnages parmi les plus utilisés dans les fables et les contes. Depuis Esope jusqu’à La Fontaine en passant par Pierre de Saint-Cloud, l’un des auteurs du roman de Renart, celui que l’on surnomme le Goupil se faufile entre les images et les mots, semant ruses et carnage autour de lui. On ne l’apprécie guère dans les campagnes et cela se comprend, c’est ce qui fait dire encore : « Quand court le renard, le poulet a des ailes. » Mais les poules n’ont guère de chance lorsqu’il chasse. À propos de chasse, les Britanniques prenaient, il n’y a pas si longtemps, le prétexte de se lancer à sa poursuite afin de se mettre en selle, de souffler dans leur cor (à ne pas confondre avec la trompe) de découpler leurs chiens, et se lancer dans des cavalcades éperdues. Las, un « épris de la nature » a réussi à interdire ce jeu. Les Britanniques n’en ont eu cure et ont remplacé l’animal vivant par une peau à son odeur.

Il reste que ce vulpes vulpes au museau et aux oreilles pointus possède une fourrure rousse du plus bel effet, celle-ci renforcée par une queue touffue. Les représentations graphiques sont légion. Il en est une aperçue il y a quelques mois, dans une position aux aguets, sur une pierre dure dans un paysage, qui a été adjugée 459 200 €, le 19 décembre 2023 par la maison Tajan. Cette plaque provient de l’Atelier royal de marqueterie de pierres dures (jaspes, jaspe orbiculaire, agate, agates jaspées, onyx, calcédoine) de la manufacture des Gobelins, et a fait partie d’une table en marqueterie de pierres dures et marbres aux armes de Louis XIV.

L’Atelier de pierres dures des Gobelins à Paris a été créé à l’initiative de Colbert, comme celui de tapisseries, pour magnifier le rayonnement de Louis XIV. Il a été actif durant une quarantaine d’années entre 1670 et 1710 environ et était exclusivement réservé aux résidences royales du souverain. C’est ainsi que Ferdinando Megliorini et Filippo Branchi, les meilleurs ouvriers de la Galleria di’Lavori de Florence, furent débauchés et prirent la route pour Paris en octobre 1668, leurs bagages remplis de pierres dures. Cet atelier florentin avait été fondé en 1588 par le grand-duc Ferdinand Ier de Médicis, afin de décorer l’église San Lorenzo à Florence. Le résultat fut tel que la plupart des cours royales d’Europe sollicitèrent à leur tour ces « peintres de pierre ». Cette technique fut très populaire, notamment à Naples et en Sicile. Le plus bel exemple de ces peintures de pierre est le dallage de la cathédrale Saint-Jean à Malte, formé de pierres tombales des dignitaires de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Une féérie de pièces de marbre de différentes origines et couleurs, dessinant une danse macabre de squelettes brisant des armoiries, ouvrant ou fermant des cercueils, chevauchant des pendules, méditant ou encore jouant de la trompette.

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