Un serpent pour boire
Les spectateurs au théâtre qui assistent à une représentation d’Andromaque, la tragédie de Racine, retiennent leur souffle à l’approche de la « V du V ». C’est-à-dire à la scène 5 du Ve acte, lorsqu’Oreste prononce ce vers célèbre : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? » On ne saurait en effet oublier cette allitération et l’on rêverait avoir été présent en cet après-midi du 17 novembre 1667 pour entendre Montfleury le prononcer pour la première fois. Combien de comédiens depuis plus de trois siècle et demi ont ainsi « sifflé » ?
La pièce elle-même fut composée par Racine (1639-1699) l’année précédente et fut imprimée pour la première fois en 1668 par Claude Barbin (in-12). Un exemplaire de premier tirage, provenant de la bibliothèque Maxime Denesle, relié par Trautz-Bauzonnet en maroquin rouge janséniste, dentelle intérieure, les tranches dorées sur marbrure, a été adjugé 2 528 €, à Drouot, le 20 février 2020 par la maison Aguttes, assistée par Dominique Courvoisier, lui-même assisté par Alexandre Maillard.
Le serpent est particulièrement chargé de symboles, et il n’est pas étonnant qu’il soit devenu un élément parmi les plus utilisés dans les arts décoratifs : bijoux, sculptures, canne, coupes, vases, etc. sont ornés par une figure de serpent. Une verseuse en argent – un travail allemand (h. : 26 cm, poids brut 841 g) – a été vendue 2 636 €, à Drouot, le 2 octobre 2024 par la maison Maurice Auction. L’anse de cette verseuse, datée d’environ 1925 (H. : 26 cm, PBT : 840,9 g), est en bronze formant un serpent ondulant. Ce qui a fait dire à l’expert qu’il « lui apportait un petit supplément d’originalité et la rendait éminemment désirable. »
Ici, le serpent, prenant appui sur le corps du vase, en mord le rebord. Ailleurs, ce sont l’anse et bec verseur qui ont pris la forme de serpent, sur une autre verseuse en argent 825 millièmes, l’intérieur étant vermeillé. Ce travail mexicain du XXe siècle, a été adjugé 650 €, à Saint-Cloud, le 2 avril 2023 par la maison Le Floc’h. Plus spectaculaire, est cette autre verseuse en forme de serpent, le corps en corne torsadée, la tête en argent 925 millièmes ciselée au naturel, longue de 55 cm et pesant 350 g. Ce travail londonien (1891-1892) a été vendu 700 €, à Drouot, le 22 novembre 2019 par la maison Pescheteau-Badin.
Tout ceci aurait-il été crée sans Adam et Ève dont les bustes dénudés en tilleul sculpté en ronde-bosse, attribués à Adam Ferdinand Tietz (1708 – 1777), en Bohême, ont été adjugés 2 470 €, à Drouot, le 27 janvier 2023 par la maison Giquello ?
Référence : AJU015w4