Une chemise de fer

Publié le 01/08/2022

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« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé : Trucs et truqueurs, au sous-titre évocateur: « Altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous en reprenons la publication en « feuilleton de l’été » consacré au « faux » en tout genre. BGF

« Avec la rapidité de l’éclair, un doute poignant m’envahit. Trop de mise en scène ! Les deux trous béants de la chemise de fer étaient-ils bien authentiques ? N’était-ce pas là encore une de ces erreurs historiques auxquelles nul ne songe à arracher ses voiles ? « Fiat lux I me dis-je, en sortant du château. Libre aux autres de croire à une chimère. Mais il ne me convient pas de m’attendrir, peut-être une fois de plus, devant le piédestal de l’imposture. J’en aurai le cœur net ». Voici ce que m’a révélé mon enquête : le père Lebel, supérieur des Mathurins, a raconté, dans tous ses détails, le drame de Fontainebleau. Il assistait le marquis, gardé à vue dans la galerie. Et de temps à autre, il allait implorer l’implacable souveraine. De sa relation, il ressort que Monaldeschi se protégeait sous son pourpoint par une cotte de mailles, pesant neuf livres, et bordée d’un collet sur lequel vint s’amortir le coup de taille qui devait le décapiter. Mais bien loin de se laisser déchirer en deux endroits, comme celle qu’on nous montre aujourd’hui, la chemise de fer faussa l’épée des assassins sans se laisser entamer, et il fallut un coup de poignard à la gorge pour achever la criminelle besogne. Le corps de Monaldeschi fut immédiatement mis en bière et enterré deux heures après à l’église d’Avon où l’on voit encore sa pierre tombale. Les religieux mathurins déposèrent ses armes dans leur bibliothèque et les curieux furent admis à les contempler jusqu’aux troubles de 1793. Le couvent fut démoli en 1820.

Telle est la part historique. L’amant de Christine portait une cotte de mailles, sous ses vêtements. Pendant plus de cent cinquante ans, les religieux en montrèrent une qu’ils disaient être la sienne, mais dont il ne fut gardé aucune image.

Voyons maintenant si celle que l’on conserve dans la galerie de Diane peut avoir appartenu à Monaldeschi. Tout d’abord, sommes-nous bien en présence de la fameuse relique possédée par le couvent des Mathurins ? C’est possible, mais rien ne le prouve. Après la Révolution, Napoléon fonda à Fontainebleau une École militaire. Le trophée put y rester de 1802 à 1808, mais ce n’est qu’une hypothèse ». (À suivre)

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