Une cocarde pour tous

Publié le 16/10/2023

Cette miniature anonyme d’un Homme de profil au chapeau orné d’une cocarde tricolore, a été vendue 673 €

Artcurial

Une miniature sur ivoire de forme ovale, représentant un homme de profil au chapeau orné d’une cocarde tricolore (Hauteur : 5,30 Largeur : 4,50 cm), a été adjugée 673 €, le 22 septembre 2023 par Artcurial, avec Matthieu Fournier au marteau. Comme pour de nombreux portraits, celui-ci est anonyme, mais grâce à la cocarde tricolore, il peut être daté d’après 1789. À l’époque, la cocarde ne préfigurait pas un drapeau et demeurait cantonnée dans son rôle d’insigne distinctif des citoyens. Puis, on la sacralisa et elle devint un instrument politique. Comment est-elle née, cette cocarde ? La Garde nationale, garde bourgeoise destinée au maintien de l’ordre, s’était donné une cocarde bleue et rouge. Ces couleurs, portées depuis le Moyen Âge, avaient en réalité été données à la Garde nationale de la capitale.

On raconte que lorsque le nouveau maire de Paris, Jean Sylvain Bailly accueillit Louis XVI, le 17 juillet 1789, comme c’était l’usage, à la Barrière Conférence – aujourd’hui place de l’Alma – pour, lui apporter les clés de la ville, avant de se rendre à l’Hôtel de ville, et qu’il lui présenta la cocarde bleu et rouge, Louis XVI la fixa sur son chapeau à côté de la cocarde blanche. Ainsi, la royauté se mélangeait à la ville de Paris. Une jolie légende ! En réalité selon Nicolas Ruault (vers 1742-1828), dans sa Gazette ď’un Parisien sous la Révolution, « Louis la reçoit et la retient sur son cœur, avec son chapeau bientôt on la lui attache. Alors les cris de « Vive le Roi » partent de tous les coins de la salle. » Il n’est nullement question de cocarde blanche, dans ce récit. Hervé Pinoteau, dans La Symbolique de l’État français dit avec raison que « certainement arrivé en civil, le roi n’avait aucune raison d’arborer une cocarde à son chapeau, qu’elle soit blanche ou noire, les deux existant dans notre armée ». Cet auteur réfute également le fait que Bailly n’a pas non plus présenté une cocarde bicolore. Alors qu’en est-il ? Il est, en revanche, certain que dès le 14 juillet et surtout le 15, des milliers de cocardes tricolores furent portées par la foule dans toutes les couches sociales, sans doute commandées par le duc d’Orléans, le futur Philippe Égalité, qui visait la lieutenance du royaume et même le trône. Le 31 juillet, Lafayette, alors commandant de la Milice, présenta aux représentants de la Commune de Paris la cocarde tricolore qui sera désormais arborée par tous les révolutionnaires, y compris les membres de la Garde nationale : « [Cette] cocarde qui fera le tour du monde est une institution civique et militaire qui doit triompher des vieilles tactiques de l’Europe et qui réduira les gouvernements arbitraires à l’alternative d’être battus s’ils ne l’imitent pas et renversés s’ils osent l’imiter ». Le drapeau tricolore n’était pas encore né, il sera officialisé en 1794 et ne devint emblème national qu’en 1880.

Un mot encore, il y a fort longtemps, pour se distinguer parmi les braves, certains mettaient des plumes de coq à leur bonnet. De cette plume de coq s’est formé naturellement le mot cocarde.

Artcurial, 7 Rond-Point des Champs Elysées, 75008

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