Une cotte de mailles secrète

Publié le 25/07/2022

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« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé : Trucs et truqueurs, au sous-titre évocateur : « Altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous en reprenons la publication en « feuilleton de l’été » consacré au « faux » en tout genre. BGF

« Que dites-vous de la djebira algérienne du musée de Dinan, qui passe pour la giberne de La Tour d’Auvergne, le premier grenadier de France ? Ajoutez-vous foi aux couteaux de Jacques Clément, aux arquebuses de Charles IX, aux poignards de Ravaillac, aux casques perforés du connétable Anne de Montmorency, aux bâtons du prince de Condé, aux glaives du bourreau qui décapita Marie Stuart, que l’on trouve dans certaines collections particulières ? Pourquoi pas, alors, la Durandal de Roland à Roncevaux ? En fait d’armes authentiques, le scepticisme s’impose et je vais essayer de vous en fournir un exemple.

Vous êtes certainement allé à Fontainebleau et vous avez, après ou avant la promenade en forêt, visité son admirable château, ce glorieux monument dont on peut dire sans exagération qu’il représente quatre cents ans d’histoire de France. Que de souvenirs y flottent épars ! Et l’efflorescence artistique qu’y fit naître François Ier pour décorer ses somptueuses galeries ! Et les adieux de Napoléon Ier, ce génie militaire qui, pour agrandir ses États, comptait pour rien la vie de ses sujets ! Et le spectre de Monaldeschi condamné à mort et tué sans pitié par des spadassins, sur les ordres de sa royale amante ! Vous les connaissez les admirables peintures du Primatice, le guéridon de l’abdication du conquérant vaincu et le socle où se dressent l’épée et la cotte de mailles du courtisan de la reine Christine, sacrifié par son implacable jalousie.

Ces temps derniers, dans une récente visite au château, j’ai voulu revivre ce sombre drame qui a laissé sa trace par deux larges blessures, sur la tunique de mailles impuissante à protéger l’infortuné. La foule entourait le calvaire. Le gardien récitait par cœur les détails de la sanglante journée du 16 novembre 1657. Du doigt il indiquait l’inscription : Épée et cotte de mailles, dite secrète, que portait le marquis de Monaldeschi. Je frémissais, je l’avoue. Il me sembla voir se soulever les mailles sous les dernières palpitations de la malheureuse victime. L’émotion me gagna peu à peu. Une avide curiosité m’attira vers le trophée funéraire. Ô surprise ! Une réaction se produisit dans mon esprit ». (À suivre)

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