Une épée suisse à deux mains en guise de sceptre

Publié le 18/07/2022

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« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé : Trucs et truqueurs, au sous-titre évocateur: « Altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous en reprenons la publication en « feuilleton de l’été » consacré au « faux » en tout genre. BGF

« On y voit [dans le Recueil de T. de Jolimont et J. Cagnie], sous le nom de Jean Boucicaut, mort en 1421, une pièce de la seconde moitié du XVIe siècle ; sous celui de Godefroy de Bouillon, chef de la première croisade, mort en 1100, une armure italienne décorée de repoussés dorés dans le goût de Jules Romain. On y rencontre, désignée comme espadon du temps de Philippe Auguste (1180-1223), une épée suisse à deux mains, et comme la plus noble arme des Français qui servait de sceptre au premier roi de France, une corsèque, dite chauve-souris, du début du XVIe siècle.

Mademoiselle Naudet n’a pas gravé, et c’est grand dommage, l’armure de Bayard, où l’on a reconnu, depuis, le chiffre et la devise des Médicis, ni celle de Renaud de Montauban, un des quatre fils Aymon, ni celle de Roland, neveu de Charlemagne, magnifique travail milanais de la première moitié du XVIsiècle, portant la devise « Amour ne peut où rigueur veut ».

Je dois ajouter, pour être sincère, que le rédacteur du catalogue de 1831 émettait certains doutes sur ces deux dernières pièces et qu’il ne les croyait pas plus anciennes que le XIIIe siècle ! Le catalogue actuel a fait table rase de toutes ces fantaisies. On peut s’y fier ; c’est un trésor d’érudition.

La science des armes anciennes, en effet, a fait des progrès. Aujourd’hui, nous sommes plus prudents dans nos attributions. Mais le respect des reliques aidant, nous rendons encore un culte usurpé à bien des trophées historiques qui seraient fort en peine de faire leurs preuves d’authenticité.

Croyez-vous à l’épée que Cambronne portait à Waterloo ? Elle est à Nantes, au musée Dobrée. Toute fluette, avec une poignée de nacre, bonne tout au plus pour un académicien. Ce n’est pas avec une arme de théâtre que le général intrépide commandait sa vieille garde ! Acceptez-vous davantage l’épée de l’amiral de Bossu, que les Hollandais conservent à Enckuisen, en souvenir de leur victoire sur le chef de l’armada espagnole ? Je me figure difficilement un amiral maniant, sur le pont de son navire, une épée de reître à deux mains ». (À suivre)

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