Une fée sulfureuse
Cette édition originale a été présentée à la FAB au prix de 6 400 €
Librairie Benoît Forgeot
Madame de Sévigné la trouvait « Toute jolie, toute charmante ». Henriette Julie de Castelnau (1668-1716) l’était, en réalité, mais dissimulait des peines liées à son mariage, semble-t-il forcé, en 1691, avec Nicolas de Murat, comte de Gibertès, colonel d’un régiment d’infanterie. Issu d’une ancienne famille bretonne, l’homme n’était pas d’une première jeunesse et avait déjà été marié quelques années plus tôt en 1686, avec Marie de La Tour d’Auvergne de Murat. Si l’on ne sait rien sur Madame première, sinon qu’elle décéda au bout de deux ans de mariage, Henriette avait un talent pour l’écriture et a laissé un assez grand nombre de contes et romans dans lesquels elle évoque, notamment, le mariage non consenti. La dame menait une vie un peu dissolue. Séparée de son mari, son libertinage était marqué par ses amours féminines, ce qui ne plaisait guère à l’austère Madame de Maintenon qui avait oublié sa jeunesse. Une satire composée par Henriette ne plut pas à la reine morganatique et valut quelques ennuis à la belle, dont un enfermement au château de Loches en 1702, d’où elle ne sortira qu’après la mort de Louis XIV en 1715.
Henriette, comtesse de Murat, fréquentait, bien avant ces ennuis, dans le salon de la marquise de Lambert, des auteurs comme Mme d’Aulnoy ou Mme de La Force qui goûtaient à la mode des contes de fées qui faisait fureur en cette fin du XVIIe siècle. La plume d’Henriette se pencha également sur les fées et un premier recueil intitulé Contes de fées. Dediez à Son Altesse Serenissime Madame la princesse doüairiere de Conty. Par Mad. la comtesse de M**** (Paris, Claude Barbin, 1698, in-12). Au cours de la Fine Art Biennale qui s’est déroulée récemment sous la verrière du Grand Palais, la libraire Benoît Forgeot en présentait une édition originale reliée au dix-neuvième siècle en maroquin rouge, le dos orné, au prix de 6 400 €.
Ce premier livre d’une auteure sulfureuse, selon le mot de certains bibliographes, comprend trois contes de fées : Le Parfait amour, Anguilette et Jeune & belle. Deux autres ouvrages devaient suivre : Les Nouveaux Contes de Fées, la même année en 1698, puis les Histoires sublimes et allégoriques et le Voyage de campagne en 1699. Au total la comtesse de Murat aura composé quatorze contes de fées achevés et d’au moins quatre romans. Une seconde édition des Nouveaux Contes de fées, contenant Le Parfait Amour, fut imprimée en 1790 par Garnier imprimeur-libraire, puis à nouveau en 1840 : (Montbéliard, Deckherr Frères, sans date, In 8 de 40 pp, orné de 5 bois gravés pleine page dans le texte). Un exemplaire, imprimé sur papier teinté de bleu, relié en cartonnage à la Bradel, étiquette de titre imprimé au dos, a été adjugé 180 €, à Besançon par la maison Astrid Guillon. On peut retrouver tous les contes d’Henriette-Julie de Castelnau de Murat établie par Geneviève Patard, aux éditions Honoré Champion, publiés en 2006.
Référence : AJU016l2